Mon Dieu, que me veux-tu ?

Y a-t-il plus grande douleur que celle d’une maman qui perd son enfant ? Et ne sommes-nous pas tentés, face aux atrocités qui tuent des enfants innocents en Syrie, au Kivu ou dans des attentats, de dire : mais que fait donc le bon Dieu ?

C’est ce qui arrive dans le récit du Livre des Rois. La femme de Sarepta, qui est déjà veuve, reproche à Elie, l’homme de Dieu,

la mort  de son fils, le seul soutien sur lequel elle peut compter pour avoir de quoi vivre. S’ensuit une sorte de réanimation par le bouche-à-bouche et le fils est rendu à sa mère. Retenons surtout la conclusion de celle-ci : « je sais que tu es un homme de Dieu et que la parole du Seigneur est véridique ».

C’est la même conclusion dans l’évangile : « un grand prophète s’est levé parmi nous et Dieu a visité son peuple ». Là aussi, le cortège de la vie, la grande foule qui faisait route avec Jésus, croise le cortège funèbre accompagnant une veuve ayant perdu son fils unique. Ici, pas d’intervention spectaculaire, mais d’abord la compassion : « Jésus fut saisi de compassion ». Littéralement, le terme grec original se traduit dans le langage populaire « il fut pris aux tripes ». Puis des mots et des gestes tout simples. A la femme : « ne pleure pas ». Jésus s’approche et touche le cercueil : « jeune homme, lève-toi ». C’est le même mot : se lever, ou relever, qui est employé dans le Nouveau Testament pour désigner la résurrection.

C’est du Christ ressuscité que l’apôtre Paul témoignera dans toute sa vie et dans tous ses écrits, après le retournement complet qu’il évoque une nouvelle fois dans l’extrait que nous venons d’entendre : « je défendais avec une ardeur jalouse la tradition de mes pères – le judaïsme – mais Dieu m’a appelé pour que j’annonce son Fils parmi les nations ; l’Evangile que je proclame n’est pas une invention humaine ».

Que pouvons-nous ?

Que retenir de tout ceci ? – sans prétendre épuiser la portée et le sens de cette parole du Seigneur.

Je pense à deux choses – et là encore je ne fais qu’effleurer des situations vitales délicates : notre attitude face à la mort, et notre attitude vis-à-vis de la parole de Dieu.

Face à la mort : en faire le reproche à Dieu a-t-il du sens ?

Ce qui est en notre pouvoir, c’est d’abord agir pour sauver ceux qui sont directement menacés. Cela va de la recherche scientifique contre le cancer ou le sida, par exemple, à l’action politique et sociale – comme celle du docteur Mukwege au Kivu. Il y a bien des manières de participer ou d’encourager.

Ensuite, se rendre proche des femmes et des hommes qui sont ébranlés par un décès, savoir que dans ces moments-là, comme Elie et Jésus, les gestes comptent plus que les discours.

Comme eux encore, se tourner vers le défunt, sachant que chacun est  fils ou fille de Dieu de manière unique.

Enfin, la tradition cite parmi les œuvres de miséricorde corporelle : enterrer les morts, et parmi les œuvres de miséricorde spirituelle : prier Dieu pour les vivants et pour les morts.

Quant à notre attitude vis-à-vis de la Parole de Dieu, il ne suffit pas de l’accueillir, il faut la pratiquer dans la foi. « Dieu dit, et il en fut ainsi » s’exclame le Livre de la Genèse, « et Dieu vit que cela était bon ». La Parole de Dieu est à l’origine de la vie, et elle est promesse de vie nouvelle et éternelle. Jésus a prié le psaume que nous venons de chanter : « Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme, et revivre quand je descendais à la fosse ». Paul, Luc et les femmes premières témoins de la rencontre avec le Ressuscité nous le disent : il ne faut pas chercher parmi les morts celui qui est vivant. Le Christ, Verbe fait chair, Parole vivante de Dieu, est venu pour que nous ayons la vie, et que nous l’ayons en abondance.

 Abbé René Rouschop