Qu’il est difficile – et beau – de croire ! 

La foi n’est pas une évidence. Son parcours n’est pas un long fleuve tranquille. Si la liturgie du temps pascal déborde d’alleluias, les lectures nous montrent un contexte où le témoignage chrétien ne va pas de soi. On l’a vu dimanche dernier avec la figure de Thomas, notre jumeau incrédule. Aujourd’hui c’est Pierre qui tient la vedette, si l’on peut dire, retournant dépité à ses affaires de pêche et invitant les autres à faire de même. ‘Je m’en vais à la pêche, c’est foutu, c’était un beau rêve ce Jésus libérateur d’Israël qui finit lamentablement sur une croix’.

Dans les Actes des Apôtres, après l’euphorie des premiers succès populaires de guérisons et d’applaudissements, l’opposition des chefs du peuple reprend le dessus : il faut comparaître devant le Conseil suprême juif, voici les coups de fouet et l’interdiction de parler de Jésus.

Quant à l’Apocalypse, n’oublions pas que c’est d’abord un livre de résistance et d’encouragement : son auteur se situe d’emblée ‘partageant avec vous la détresse et la persévérance en Jésus’.

En effet, c’est bien Jésus qui est au centre du débat. Non pas le simple souvenir de Jésus et de ce qu’il a fait, mais la relation avec Jésus vivant. Pas le Jésus du passé, Jésus présent : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? » ‘M’aimes-tu vraiment’ : on a essayé de rendre ainsi en français un des trois mots grecs qui correspondent au verbe aimer (ici le français est pauvre, qui a copié le grec pour en faire « agapes (fraternelles) », alors que l’original exprime ce qu’il y a de plus fort dans l’amour, spirituel et fraternel au sens fort. (A ce sujet l’encyclique du pape Benoît XVI Caritas in veritate est très éclairante)…

Des étapes

Revenons à l’évangile et à cette nuit de pêche désastreuse. Quelle est la première étape de la rencontre avec le Christ ? c’est l’attention à l’autre, l’écoute et la confiance en sa parole : «les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ?… jetez les filets à droite »… et pourtant ces disciples connaissaient leur métier. Ils osent obéir, et c’est la pêche miraculeuse cette fois-ci… Pour nous : écouter et mettre en pratique la parole du Seigneur, y compris quand nos efforts semblent inutiles.

Ensuite, Jean s’écrie « c’est le Seigneur », et Pierre se jette à l’eau pour aller vers lui. La foi vient de ce que nous acceptons la parole de quelqu’un qui nous fait connaître ou reconnaître le Seigneur, elle ne s’invente pas à partir de rien, et elle est performante, elle pousse à agir. « la foi sans les œuvres est une foi morte » écrira St Jacques…

Voilà maintenant qu’un feu de braise est allumé sur le rivage. Délicat rappel pénible pour Pierre, qui avait renié Jésus auprès d’un brasero… Mais c’est là qu’il va recevoir sa mission. Ne pas nous effrayer de nos ratés, de notre péché, de nos compromissions… La foi est souvent recommencement et renouvellement de confiance – qui, elle, ne manque jamais de la part du Seigneur.

Ensuite, il y avait déjà du poisson sur le feu, et du pain. Mais Jésus leur demande d’apporter ce qu’ils viennent de prendre, il prend le pain et le leur donne, et de même pour le poisson. La foi est une alliance, une action commune de Dieu et de l’homme. Le Seigneur ne fait pas de miracles sans nous. Il a fallu apporter de l’eau à Cana pour qu’il en fasse du vin, cinq pains et deux poissons pour qu’il donne à manger à tout le monde dans le désert. Il n’y a pas d’eucharistie si nous n’apportons pas nos offrandes, et l’offrande de notre vie…

Et puis, Pierre va entrer dans ses petits souliers : « M’aimes-tu vraiment ? » Comme il avait nié trois fois, il lui faut dire trois fois « Tu sais bien que je t’aime », et sur cette base il est chargé de guider, de nourrir et de prendre soin des agneaux et des brebis, des petits et des grands, pour fortifier toute la communauté des croyants dans l’attachement au Christ, le seul vrai et bon pasteur. La foi ne se vit pas tout seul, elle est communion et communauté, où chacun a son rôle.

Enfin, « un autre te mettra ta ceinture » dit Jésus. Lui-même avait mis sa ceinture de serviteur pour laver les pieds de Pierre et des autres, pour les inviter à faire de même. La foi ne va pas sans le service, qu’on ne choisit pas toujours soi-même. Et le dernier mot : « suis-moi » résume tout. Suivre Jésus a été la démarche des premiers disciples quand ils ont quitté leurs bateaux de pêche ; malgré leur désertion au pied de la croix, ils l’ont suivi autrement après la rencontre au bord du lac, ils ont témoigné devant le peuple et devant le grand prêtre qu’il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, ils ont été tout joyeux de subir des humiliations pour le nom de Jésus.

Oui, suivre Jésus n’est pas toujours une évidence, parler de lui est parfois difficile, mais qu’il est formidable de l’aimer vraiment !

Abbé René Rouschop