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Ce dimanche de septembre est aussi, à Wavreumont, le jour où on célèbre saint Remacle, dans les pas duquel le monastère a choisi de s’inscrire.

Ouvrir l’horizon. L’ouverture. On ne pouvait pas rêver plus beau thème pour célébrer l’origine et les fondements de notre monastère. Se tourner vers le passé pour ouvrir un avenir.

Le mot apparaît plusieurs fois dans les lectures de ce jour. Dans le prophète Isaïe :  » Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des sourds. » Dans le psaume:  » Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles. » Et dans l’évangile de Marc:  » Il soupira et lui dit: « Effata ! », c’est-à-dire « Ouvre-toi ». Ses oreilles s’ouvrirent… »

Ouvrir les yeux, nous le visualisons facilement en observant le mouvement de nos paupières qui font office de volets, mais nos oreilles n’ont pas de couvercles amovibles, elles s’ouvrent et se ferment selon l’attention que nous portons aux personnes et aux choses. « Présents, ils sont absents… », disait déjà Héraclite pour désigner les personnes qui sont présentes physiquement mais n’écoutent pas ce qui est dit. L’attention que nous offrons aux personnes et aux choses est une première piste de réflexion pour comprendre l’ouverture selon Dieu. Il s’agit d’abord de ne pas s’arrêter aux apparences : les vêtements rutilants, les bijoux, la prestance d’un homme riche qui vient nous visiter et les vêtements sales et négligés d’un pauvre. Ne pas voir correspondrait ici à ne voir que ce qui peut me flatter, me contenter, m’attirer, et ainsi m’enfermer dans la dualité, dans l’opposition des contraires. Par exemple, j’aime celui qui est de mon avis dans une discussion et je n’aime plus celui qui s’oppose à moi dans le débat. Cela revient à être aveugle sur ce qu’est la réalité profonde. L’important n’est pas d’avoir raison ou d’avoir tort, d’être riche ou pauvre, de savoir ou d’ignorer, de croire ou de douter, l’important est avant tout de trouver une PRÉSENCE qui réconcilie toute opposition, qui ouvre à une réalité plus profonde.

Cette attitude d’ouverture n’est pas facile à atteindre. Bien des obstacles nous empêchent d’avancer vers la lumière ou l’écoute véritable.

Mais qu’est-ce qui peut bien nous enfermer dans le mutisme et l’aveuglement ? Isaïe nous donne une première réponse: « Dites aux gens qui s’affolent… ». La peur est l’ennemi numéro 1 qui abîme la confiance. Elle paralyse, elle ferme toutes les portes. Peur de quoi au juste ? D’être blessé à nouveau, peur d’être jugé, de déplaire, de mal faire, peur de notre image de Dieu ? Or la victoire du Seigneur consiste à donner courage et force à tous ceux qui tremblent et n’osent plus vivre.

Il est vrai que, lorsque la blessure a été trop profonde, on peut en perdre la parole et ne plus vouloir écouter personne, ruminer en nous le mal qu’on a subi ou trop entendu. C’est sans doute le cas de cet homme rencontré par Jésus. Il doit d’abord être touché par les mains, par les doigts du Seigneur. Il est comme remodelé par son créateur qui le replace dans le flux de la vie. Il doit recevoir à nouveau le premier contact humain qui donne d’habiter son propre corps, celui que la mère offre à l’enfant en le prenant dans ses bras et fait en sorte qu’il ne soit pas un objet jeté au monde parmi d’autres objets, mais une personne. Reconnecter avec la matière pour revivifier l’esprit. C’est au fond le travail de l’artiste qui va choisir d’exprimer son manque, sa blessure, son désir dans la matière bois, pierre, peinture, mots, musique, … et ainsi sortir de son enfermement. En faisant ainsi Jésus devient un appel à créer, car créer, c’est reprendre la maîtrise de sa vie en brisant les murs et les barreaux du ressentiment. Choisir l’ouvert, c’est chercher la solution vers le haut dans des activités qui vont me rendre souffle et sens. Il y a là une victoire sur le geôlier de nos cachots psychologiques et spirituels et cette victoire appartient au Dieu qui Ouvre. Le Coran l’appelle Al Fattâh, celui qui ouvre, celui qui accorde la victoire, le toujours victorieux qui trouve une issue à chaque situation.

C’est ce Dieu-là qui devait pousser Remacle à fonder des monastères en des lieux limites, sur des frontières et à croire en un projet et en une région.

C’est ce Dieu-là qui débouchera les oreilles et touchera les langues des victimes des fondamentalismes en Afganisthan et ailleurs. C’est encore ce Dieu-là qui ouvrira des passages et lancera des passerelles lumineuses entre nos Églises et nos religions.

Fr. Renaud Thon

Lectures de la messe :
Is 35, 4-7a
Ps 145 (146), 6c-7, 8-9a, 9bc-10
Jc 2, 1-5
Mc 7, 31-37)

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