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On résume souvent l’évangile que nous venons d’écouter sous le nom de « transfiguration », comme on met un nom sous un tableau. Ce mot « transfiguration » n’est pourtant pas dans l’évangile qui indique bien plus qu’une scène à regarder, un cliché, un arrêt sur image comme si Pierre s’était pris en selfie avec les autres personnages de la scène. Tout au long de l’évangile la question revient : qui est-il ce Jésus ? On voit qu’il porte plus d’un visage : prophète itinérant, guérisseur, ami des pécheurs de toutes sortes. Bien des visages, bien des figures. Jésus prend différents visages. Et ceux qui le suivent ne le comprennent pas bien : que veut-il ? Où nous mène-t-il ? Comment le comprendre ? Comment interpréter ce qu’il fait ? On a l’impression que les disciples doivent eux-mêmes changer leur regard sur Jésus, entrer eux-mêmes dans une transfiguration. Ne serait-ce pas cela que suggère notre évangile ?

Et je me le demande : tout cela est-il si éloigné, si étranger à nos vies ? Au fond, chacun, chacune aspire à une transfiguration, aspire à ce que le meilleur de soi puisse venir au jour, se révéler et l’emporter toujours davantage. On aspire chacun à ce que se détachent et tombent nos rugosités, nos aspérités, nos rudesses. Alors on vivrait plus pacifié en couple, en famille, il y aurait moins de heurts, de paroles maladroites ou blessantes. Moins de silences clos. Oui, en chacun, chacune il y a ce vœu, cette aspiration à une transfiguration.

Un jour donc, Jésus a emmené des disciples. Ils l’ont suivi, ils acceptent de venir avec lui et ils pressentent que c’est pour une nouvelle étape. Ce qu’ils ont pu voir, ce qu’ils ont pu comprendre à ce moment-là est fragmentaire. C’est seulement après la passion, après sa résurrection qu’ils vont relire et relier ce qui leur est arrivé. Moïse et Elie sont là. Les deux testaments se parlent. Pour les disciples, c’est éclairant : ce Jésus n’est pas venu pour abolir mais pour accomplir, pour que rien ne se perde. Qu’est-ce donc qui accomplit sans détruire ? C’est toujours cette question que porte un couple, une communauté, chaque vie en fin de compte…

Au cœur de ce passage, au cœur du texte, il y a une voix qui intervient et elle vient interrompre les paroles de Pierre. Dans nos vies, c’est vrai, il y a comme une autre voix, autre que celles qui se font entendre dans le monde, dans les conversations et les informations. Une voix qui vient interrompre ce qu’il y a de trop installé, fixé, figé dans nos vies pour relancer le mouvement et l’ouverture. Pierre, lui, voudrait qu’on s’installe, qu’on se mette sous la tente. Cette voix, elle dit qui est Jésus : pas seulement un prédicateur ambulant mais le fils aimé du Père, l’envoyé de Dieu, celui que le Dieu aimant envoie. De nous-mêmes, nous ne pouvons pas dire l’identité de Jésus. Elle nous échappe. Comment pourrions-nous deviner la proximité de Dieu ? Et ce que cette voix dit, c’est : écoutez-le celui-là, mettez-vous à son écoute car il parle et sa parole donne, elle donne de traverser, de passer encore au-delà, ce qui est toujours le chemin de la vie. Défaire les nœuds qui rendent la vie nouée, emprisonnée. Afin qu’elle se transfigure, qu’elle passe dans plus de lumière.

Et voilà, maintenant cette parole nous est confiée pour que nous la transmettions à d’autres. Si Jésus dit d’abord aux disciples : n’en parlez pas, il dit aussi : parlez-en après la passion et la résurrection. Comme s’il fallait que cette parole soit autre chose qu’une information à mettre en circulation mais qu’elle soit une parole qui est passée par le feu, une parole nôtre, vraie, qui est passée dans la passion et la résurrection, une parole qui a traversé. Il nous est bien dit qu’elle éveille, elle rend éveillé dans le monde et elle est purifiée de la peur, débarrassée de la peur. « Relevez-vous, n’ayez pas peur », dit-il.

Fr. Hubert Thomas

Lectures de la messe :
Gn 12, 1-4a
Ps 32
2 Tm 1, 8b-10
Mt 17, 1-9

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