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Une culture du provisoire ?

Récemment, à l’occasion de la journée des vocations, le pape François a invité les futurs prêtres à résister à ‘la culture du provisoire’. Celle-ci risque en effet de nous envahir, depuis le rasoir ou le kleenex jetable jusqu’aux discussions sur la réforme des pensions, où j’ai entendu comme argument – dans quel sens ? – que des jeunes n’envisagent plus aujourd’hui de faire le même métier pendant 40 ans… Danger donc que cette culture du provisoire, si l’on veut s’engager dans la vie religieuse, et conseil identique à ceux qui s’engagent dans le mariage : « résistez à la culture du provisoire ».

C’est effectivement un autre accent dans la Parole que nous venons d’écouter. « Demeurez en moi comme moi en vous. De même que le sarment ne peut porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus si vous ne demeurez pas en moi ».

Demeurer. Le mot revient 10 fois dans la deuxième lecture et l’évangile. Comme en écho à la rencontre des premiers disciples, qui demandent à Jésus : « Maître, où demeures-tu ? ». Demeure= lieu où on habite, dit le dictionnaire, souvent endroit auquel on est attaché… Etre attaché à Jésus, c’est bien de cela qu’il s’agit pour celui qui veut être son disciple. Et pas seulement pour quelques années : ce n’est pas un attachement provisoire que notre Baptême ! C’est justement la force des monastères d’inscrire dans le temps et dans le lieu une durée visible et sensible de l’attachement au Christ. Ce qui n’exclut pas des vocations itinérantes, comme celle de saint Paul : il n’est pas bien accueilli par la communauté de Jérusalem qu’il avait persécutée, « car ils ne croyaient pas que lui aussi était un disciple » dit le texte des Actes des Apôtres, qui ajoute : « l’Eglise se multipliait, réconfortée par l’Esprit Saint ». En effet, Paul va semer la foi chrétienne partout dans le monde gréco-romain, porté par son attachement enthousiaste au Christ. « Ce n’est plus moi qui vis, écrira-t-il, c’est le Christ qui vit en moi ».

La vigne

L’image de la vigne est particulièrement riche pour dire la force de l’attachement au Christ. Déjà dans le premier Testament, elle est partout présente. Sculptée dans la pierre sur le fronton du Temple, elle symbolise le peuple d’Israël et son histoire tumultueuse. Arrachée à l’Egypte et plantée dans la terre promise, soigneusement entretenue par le Seigneur qui enlève les pierres, l’entoure d’un mur, y creuse un pressoir… mais ce sera pour recueillir le sang de son Fils mis à mort par des vignerons infidèles. Car la vigne a donné de mauvais raisins malgré les avertissements des prophètes, et la voilà abandonnée, comme l’Israël pécheur. C’est triste une vigne abandonnée ! Pour réaliser le dessein de Dieu, il faudra que Jésus annonce à Cana et réalise sur le Calvaire le don de son sang : les noces éternelles de Dieu et de l’humanité sont alors scellées dans le sang de l’Alliance nouvelle, versé pour la multitude.

« Moi je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron ». Moi je suis… Qu’ont-ils saisi des paroles du Christ, les disciples qui venaient de boire avec lui le fruit de la vigne, à la même coupe ? Signe de bénédiction, image du peuple d’Israël, symbole de l’épouse féconde, la vigne leur parle de la nouvelle Alliance dont ils auront à porter les fruits. Leur attachement à Jésus s’y greffera sans difficulté. Le vin de l’eucharistie se corsera de ces multiples significations, comme autant de saveurs.

Quels sont les fruits de la vigne, de l’attachement au Christ, et de l’Eucharistie ? « N’aimons pas en paroles ni par des discours, répond saint Jean, mais par des actes et en vérité… Mettre notre foi dans le nom de Jésus et nous aimer les uns les autres comme il nous l’a commandé. Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui ».

Une dernière question, à propos du vigneron, le Père, qui purifie et taille pour que la vigne porte du fruit : connaissez-vous la légende de l’âne de saint Martin ? (chez moi sa statue…) On raconte que dans sa tournée d’évangélisation, Martin laisse son âne à l’entrée d’un village, et quand il a terminé ses prédications il reprend sa monture, mais les paysans sont fous furieux parce que l’âne avait bouffé quantité de feuilles et de sarments de leurs vignes. Mais à l’automne suivant, ils sont émerveillés car ils n’avaient jamais récolté autant de raisins ! Ainsi l’âne de Martin aurait inventé la taille de la vigne en Touraine. Mais en Palestine, Jésus le savait depuis longtemps…

Laissons le Seigneur nous purifier lui-même en taillant dans notre vie ce qui ne porte pas les fruits de son amour. Telle est la culture de la vigne. Ce n’est pas la culture du provisoire…

Abbé René Rouschop

Lectures de la messe :
Ac 9, 26-31
Ps 21 (22), 26b-27, 28-29, 31-32
1 Jn 3, 18-24
Jn 15, 1-8

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