agape-n

Chers frères et sœurs,

Nous vivons dans une société qui est sans cesse à la recherche de la nouveauté et de l’innovation. Et voici
que l’évangile nous annonce un commandement nouveau. Mais il est vieux comme le monde ce
commandement! Aimer son prochain comme soimême se trouve dans la Bible bien avant Jésus, et le
précepte « ne pas faire à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse«  se trouve dans toutes les religions,
sous une forme ou sous une autre…

Reconnaissons d’abord, à propos du mot aimer, que la langue française est très pauvre. Ce verbe s’emploie
aussi bien pour aimer la confiture, aimer la musique, ou aimer sa femme. Dans le grec du Nouveau
Testament, il y a trois termes différents, que le pape Benoît XVI analyse très bien dans son encyclique Deus
caritas est. Le premier, eros, désigne l’amour passionnel et a donné en français « érotique« ; le second, philia,
signifie l’amitié, la sympathie, et se retrouve dans le français philosophie, colombophile, etc.; le troisième,
agapè, celui qui est employé ici, ne donne guère en français que le mot « agape«  alors que sa signification est
beaucoup plus large. C’est l’amour d’affection, de communion, de don de soi: ce n’est pas un amour captatif,
qui possède l’autre, c’est un amour désintéressé, un amour qui se donne. « De l’amour dont je vous ai aimés,
aimezvous les uns les autres.« 

est la nouveauté: aimer comme Jésus. Relevons quelques aspects spécifiques de la manière dont Jésus aime
et se donne.

En premier lieu, il ne fait pas de différence entre les personnes. Il considère chacun de manière unique:
MarieMadeleine ou Zachée, Nicodème le notable et Matthieu le publicain, la Samaritaine et la Cananéenne,
Simon le pharisien et Simon Pierre le pêcheur, Nathanaël l’intellectuel et Simon le zélote…

Ensuite, il aime jusqu’au pardon: le paralysé qu’on lui amène sur son brancard, la femme adultère qu’on lui
demande de condamner, Pierre qui vient de le renier…

Et puis il aime jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême: sur la croix, il pardonne au meurtrier, il confie le disciple à
sa mère…

Autre caractéristique encore : sa préférence va à ceux qui sont les derniers en ce monde et qui selon lui sont
les premiers dans le Royaume de Dieu.

Enfin – mais ceci n’est qu’une esquisse rapide -, son amour est universel. Nous en voyons la concrétisation
dans ses multiples rencontres, outre celles que je viens d’évoquer. Nous voyons aussi que ses disciples ont
compris qu’il n’y a pas de frontières à l’agapè. Paul et Barnabé partent vers la Pisidie, le centre de la Turquie
actuelle, puis la Pamphylie cest-dire la côte sud… Ils reviennent en Syrie et racontent « comment Dieu avait ouvert
aux nations les portes de la foi ». Plus tard, Paul écrira aux Galates: il n’y a plus esclave ou homme libre,
homme ou femme, juif ou grec, tous nous sommes un dans le Christ, nous formons le corps du Christ.
On voit que ce « commandement » de l’amour va bien plus loin qu’une simple règle de vie morale. C’est un
don de Dieu, c’est le fruit de l’Esprit. « Ils avaient été remis à la grâce de Dieu pour l’œuvre qu’ils avaient
accomplie, et ils rapportèrent à l’Église tout ce que Dieu avait fait avec eux… » écrit saint Luc. Le livre de
l’Apocalypse ne suggère pas autre chose quand il voit un ciel nouveau et une terre nouvelle et qu’il imagine
la Jérusalem nouvelle descendant du ciel comme une épouse parée pour son mari…

Ceci est une fameuse nouveauté ! Il suffit d’ouvrir nos portes à Dieu pour recevoir de lui la grâce d’aimer
comme Jésus. Si on pouvait s’inspirer de cette conviction dans les relations personnelles, familiales,
internationales…Et n’est-ce pas d’abord la feuille de route de toute communauté qui se dit chrétienne? Peut-
on rêver de ce ciel nouveau et de cette terre nouvelle qu’annonce la Parole de Dieu? Ce serait en effet « la
demeure de Dieu avec les hommes », créés à son image, selon sa ressemblance, où chacun serait respecté et
honoré dans sa dignité. Voilà vraiment une bonne nouvelle! Nous l’anticipons dans l’eucharistie et nous en
rendons grâce au Seigneur. Amen.

Abbé René Rouschop

Lectures de la messe :
Ac 14, 21b27
Ps 144
Ap 21, 15a
Jn 13, 3133a.3435

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