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Ce mendiant aveugle, Bartimée, est assis au bord du chemin. Il rejoint ceux et celles qui comme lui veulent trouver la vie ou plus de vie. Cela fait du monde : « il y a parmi eux l’aveugle, le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée… »

Saint Marc nous livre ici un court récit à son propos mais plusieurs indices donnent à penser que sa première intention n’est pas d’abord de raconter un miracle. Mais alors quelle est son intention ?

Ce mendiant aveugle, nous connaissons son nom : c’est Bartimée, le fils de Timée. Il est connu, il a un nom mais est en même temps exclu : ce n’est que le fils de, c’est un mendiant, aveugle et lorsqu’il crie, on le rabroue.

Ce qui est étonnant, c’est que les gens veulent d’abord le faire taire et puis après, après que Jésus a parlé, après qu’il a dit : « Appelez-le », les voilà qui invitent l’aveugle à faire confiance et à se lever. Signe de transformation qui vient après que Jésus ait parlé.

Remarquons que si Jésus s’arrête, il ne va pas au-devant de Bartimée. Il l’appelle. Comme s’il ne voulait pas que Bartimée soit réduit à son image d’un mendiant aveugle assis au bord du chemin. Il n’est pas que cela. Jésus sollicite en lui ce qu’il a encore comme ressources de vie, comme des possibles au-delà de son image, de son rôle aux yeux des gens. Il le fait mettre en mouvement, être debout. Et c’est bien ce que fait Bartimée : il rejette son manteau ; il laisse tomber en quelque sorte ce qui le définit devant les autres. Il laisse tomber son image. Ne pas se réduire à ce qu’on est : c’est une grande loi de vie qui traverse toute la Bible.

Jésus l’invite donc à bouger, à sortir de son image qui le fixe, le coince mais il invite aussi cet aveugle à prendre la parole.

Nouveau sujet d’étonnement pour celui qui entend ou qui lit ce récit : Jésus demande à Bartimée « Que veux-tu que je fasse pour toi ? ». Mais cela n’est-il pas évident ? Alors pourquoi le demander ? Eh bien justement pour que Bartimée se positionne, dise son désir, parle sa demande. Jusqu’ici il était ramené à un rôle : il est seulement connu comme un mendiant aveugle assis au bord de la route. Parlé par la rumeur publique. Jésus, lui, l’invite à dire en clair, par lui-même ce qu’il veut à travers ses cris. Qu’il parle de lui-même, qu’il devienne lui aussi un sujet qui a la parole.

Bartimée dit : « que je voie ». On peut le comprendre mais celui qui a écrit ce récit emploie en grec un verbe qui signifie plus que le fait de voir physiquement, plus que voir les choses et les gens. Il emploie un verbe qui veut dire : lever les yeux, regarder vers le haut. Écrivant après Pâques, après la résurrection de Jésus, il veut dire par là : voir les événements dans la lumière que donne Jésus.

De quelle lumière s’agit-il ? Il faudra tout l’évangile pour le savoir mais on peut déjà en avoir une idée.

Jésus pose à l’aveugle la même question que celle qu’il a posée auparavant à ses disciples : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »… « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? ». Les disciples ont répondu : donne-nous de siéger à ta droite et à ta gauche…Les meilleures places, quoi. L’aveugle, lui, demande de sortir de son aveuglement.

Alors ne serait-ce pas lui qui comprend ce qui est en jeu au sujet de Jésus ? Le voilà qui suit Jésus sur la route qui va mener ce dernier à Jérusalem, à son arrestation et sa passion. Alors que les disciples ne peuvent pas, pas encore voir cela, empêtrés qu’ils sont encore dans l’image d’un Messie triomphant et par leurs désirs de grandeur et d’honneur.

Oui, en suivant Jésus sur le chemin, Bartimée est le symbole du disciple authentique, celui qui par sa foi sort de l’aveuglement. Au départ, il était au bord du chemin, maintenant, il prend le chemin à la suite de Jésus.

Par sa parole, Jésus fait voir les aveugles, fait sortir de l’aveuglement. Un évangile est le récit, la narration de ce désaveuglement. C’est ce qui s’appelle une bonne nouvelle. Ne serait-ce pas là l’intention du rédacteur ?

Fr. Hubert

Lectures de la messe :
Jr 31, 7-9
Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6
He 5, 1-6
Mc 10, 46b-52

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