Chers frères et sœurs,
Je vous invite à nous pencher sur deux mots plusieurs fois répétés dans les lectures que nous venons d’écouter : l’adjectif « nouveau » et le substantif « gloire ».
L’idée de nouveauté n’est pas en soi salutaire. Elle peut parfois porter à la distraction, à la fascination ou à une évasion éphémère. Ici la nouveauté dont il est question est un événement qui s’est développé dans ce que l’on connaissait déjà, mais qui s’en dégage et en même temps l’accomplit. Notez que nous pouvons comprendre ce qu’est la sainteté dans ces termes. Etre mis à part, non pour renier notre milieu originaire, mais pour l’emmener plus loin, plus haut, pour devenir un signe et un repère.
Le commandement nouveau que le Christ transmet à ses disciples au moment le plus intense de sa vie concentre tout son enseignement : l’amour est le sommet de toute étude, de toute prière et de toute action. Mais cela n’est pas l’apanage du christianisme ; beaucoup de sagesses ont découvert cet éclat qui donne à l’être humain une luminosité divine. Même un Spinoza qui édifia dans sa philosophie une cathédrale rationnelle en arrive à des propos véritablement mystiques : « Toutes les passions – tristesse, envie, crainte, haine – sont notre partage quand nous aimons des choses périssables. Mais l’amour allant à une chose éternelle et infinie refait l’âme d’une joie pure, d’une joie exempte de toute tristesse…La béatitude suprême est dans l’amour de Dieu, dans l’union de l’âme avec Dieu, de telle sorte qu’elle n’aime rien qu’en lui et que par lui ». Mais La pointe du message du Christ est dans le « comme je vous ai aimé » : l’amour que nous sommes appelés à vivre, à partager les uns avec les autres et qui nous relie à la vie du Christ est l’amour même de Dieu révélé en Lui. Le Père se livre à nous à travers le comportement humain de son Fils dans l’Esprit. Et nous pouvons porter cet amour de Dieu en nous et le partager à l’infini, non seulement entre frères et sœurs partageant la même foi, mais aussi envers ceux qui ne nous aiment pas beaucoup, ou même qui nous détestent. Or seul le Christ a réussi à aimer à ce point de manière juste autant ceux qu’il estimait que ceux qui l’ont conduit à la torture et à la mort. Avouons-le, nous ne sommes pas capables d’aimer ainsi, sauf si par sa grâce, nous le laissons aimer à travers nous. Ainsi ce commandement est ancien, « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » est le cœur du Lévitique, et à la fois toujours nouveau, car c’est sa Présence en nous qui nous permet d’aimer jusque dans les situations apparemment impossibles.
Et le signe que cet amour vient de Dieu, c’est la gloire qu’il révèle. La gloire d’une personne, c’est son poids, non un poids mort, mais sa valeur de vie et de fécondité. Tout commence par la foi en lui et en son amour agissant et passant par différents stades de maturation. Les Actes des apôtres nous le disaient :
« Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le Royaume de Dieu. »
Toutes ces résistances et difficultés dans nos vies où l’amour a dû lutter pour se frayer un chemin et dépasser larmes, mort, deuil, cri et douleur, seront un jour dépassées et transcendées en cette harmonie retrouvée entre les êtres et Dieu.
« Voici que je fais toutes choses nouvelles. »
Cela nous est donné dans l’énergie et la force de la Résurrection.
Frère Renaud
Lectures : Ac 14, 21b-27 ; Ap 21, 1-5a ; Jn 13, 31-33a.34-35