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Augustin Frison-Roche (1987-….)
Retable – Cathédrale de Saint-Malo

Le mot Toussaint peut nous donner, au moins, deux raisons de nous réjouir. Si nous entendons  » tous les saints », alors nous fêtons tous ceux qui ont accueilli la vie divine dans le déploiement de leur existence et qui partage ce bonheur en Dieu. Si nous entendons « tous saints », alors nous pouvons nous réjouir parce toutes et tous sommes appelés à partager cette joie. J’ai bien dit partager, vivre cette réalité de tout notre être. Je précise, parce qu’il y a peu, nous avons entendu la parabole des noces où le Père invite tout le monde, mais trouve un invité qui n’a pas le vêtement de noces. Le frère Hubert nous avait mis sur la piste pour comprendre qu’être dépourvu du vêtement de fête, cela voulait dire assister sans s’impliquer, comme spectateur et non comme acteur de la joie. Mais Dieu aime trop les hommes pour les laisser sur le banc des voyeurs.

Il y a dans les Actes des Apôtres, au chapitre 16, un passage étonnant qui met en scène une esclave qui a un esprit « pithon », c’està-dire le don de prononcer des oracles, de dire des phrases divinatoires, un véritable horoscope sur pattes. Grâce à cela, elle rapportait beaucoup d’argent à ses maîtres. Elle commença à suivre saint Paul et Timothée en criant :  » Ces gens -là sont les serviteurs du Dieu très haut : ils vous annoncent la voie du salut. », et ainsi pendant plusieurs jours jusqu’à ce que Paul, excédé, crie à l’esprit : « Je t’ordonne au nom de Jésus-Christ de sortir de cette femme. » Et l’esprit sortit à l’instant même.

Cette femme faisait pourtant une belle publicité à la prédication de Paul, mais l’Evangile n’est pas une idéologie, ni un programme politique, ni encore moins un produit à vendre. C’est une parole qui doit nous transformer, nous saisir et habiter tout notre être. Paul ne supporte pas que cette femme dise la vérité sans y participer. Car la vérité est quelqu’un à aimer et non une chose à connaître. Le chemin de la sainteté est donc une libération. Dieu m’a libéré car il m’aime, chantions-nous dimanche dernier. Etre saint, c’est vivre de Dieu et en Dieu, et non dire ou savoir des choses sur Dieu.

Cette libération ne se vit pas tout seul. La vision de l’Apocalypse amène notre regard sur un ange, puis quatre anges, puis 144000 personnes marquées d’un signe, puis une foule immense, impossible à dénombrer, avec laquelle nous sommes invités à avancer. Nous allons de l’unité à l’Infini et de l’infini à l’Un qui est Dieu. Et cette progression est l’occasion d’une purification.

Les robes ont été lavées. L’homme au cœur pur, aux mains innocentes n’a pas livré son âme aux idoles. Le grand amour de Dieu nous a rendu dignes d’être ses enfants en vue d’une croissance de la relation avec Lui, dans une ressemblance de plus en plus grande. Alors « Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu », écrivait l’évangéliste Matthieu. La pureté n’est pas d’abord affaire de morale, mais de transparence à l’autre pour une rencontre, une alliance, une union de plus en plus limpide.

Malheureusement notre époque aime scruter la face obscure des choses et des personnes plutôt que de chercher la lumière et d’aider ainsi à la trouver.

Sur internet, on vous révèle la face obscure de Walt Disney qui avait pourtant enchanté votre enfance. On lapide virtuellement telle personne parce qu’elle n’est plus dans le cadre de ce que le plus grand nombre pense. On fixe sous la photo de tel grand personnage : un tel, la fin d’un mythe, à cause de ce qu’il a raté ou négligé, oubliant tout l’aspect lumineux de la personne.

Mais aucun saint que nous fêtons aujourd’hui n’était parfait. Tous étaient des pécheurs comme nous, et la Bible est loin d’être un manuel de morale : rappelons-nous que Moïse fut un assassin avant de porter la parole :  » Tu ne tueras pas. », David, le grand roi, préfiguration du Christ, fut adultère et meurtrier, Paul fut un persécuteur et approuva l’utilisation de la violence avant d’annoncer le prince de la Paix.

La sainteté n’est pas une conformité, mais une quête et une transformation intérieure. Pour retrouver ce chemin ajusté, il convient de se souvenir des différentes définitions du mont sanctus.

Certes ce mot veut dire mis à part, distingué ; mais rendre saint, c’est aussi manifester le caractère inviolable et irrévocable de notre être profond.

Quoique nous ayons fait, quelques soient nos échecs et nos fautes, il y a en nous un lieu que le mal ne peut atteindre. C’est le lieu de soi où Dieu nous appelle de manière irrévocable à nous laisser aimer et à aimer.

Cherchons ce lieu et habitons-le pour devenir ce que nous sommes appelés à être : tous saints.

Fr. Renaud Thon

Lectures de la messe :
Ap 7, 2-4.9-14
Ps 23 (24), 1-2, 3-4ab, 5-6
1 Jn 3, 1-3
Mt 5, 1-12a

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