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Il est temps de rallumer les étoiles

Après nous le déluge

J’ai envie de donner comme titre ou comme enseigne à l’homélie de ce dimanche, l’expression « Après nous le déluge ». C’est une expression qui renvoie à une certaine mentalité, un certain comportement. Après nous le déluge, c’est plutôt le chacun pour soi, l’indifférence. On ne savait pas ou on ne voulait rien savoir …

Jésus fait une brève allusion au récit biblique du déluge pour dire : « les gens ne se sont doutés de rien ». Ils vivaient dans une certaine insouciance et inconscience : « on mangeait, on buvait, on prenait femme ou mari ». Mais dans le cours ordinaire des choses, dans le train habituel de la vie, de la violence peut se cacher, enfler et grandir. De la violence sous bien des formes : de l’injustice, de la cruauté, du rejet, de l’exclusion … Mais les gens ne se sont doutés de rien.

On peut se demander pourquoi Jésus fait ainsi un rapprochement entre ce moment du déluge et l’avènement du Fils de l’homme ou mieux du Fils de l’humain (pour une traduction plus exacte). Peut-être parce que cette venue, cet événement de Dieu dans le monde peut demeurer inaperçu, passer inaperçu, enseveli dans l’ordinaire des choses de la vie. Peut-être aussi parce que la nouveauté du monde n’a rien à voir avec un monde pourri qui doit disparaître pour que le neuf trouve sa place. Mais pourtant une chose est sûre et notre évangile, qui est court, le redit plusieurs fois : le Fils de l’humain vient.

L’allusion au déluge qui est comme une montée des eaux de la violence est là aussi pour rappeler que l’Évangile est la traversée de la violence. Il n’est pas une banale parole de béni oui oui à peu de frais, une idéologie à bon marché, un événement qui ne fait pas le poids. Non, c’est un événement qui doit traverser nos violences pour les guérir de l’intérieur, les retourner en pulsions de vie en vue du Royaume. En effet, il convient de relever que ce récit biblique du déluge donne place à Noé. Au milieu du bruit et de la fureur, Dieu compte sur Noé, Dieu fait alliance avec Noé le juste. C’est sur lui que Dieu s’appuie pour relancer la vie sur la terre. C’est par son arche de salut que l’avenir du monde pourra repartir.

Ainsi Jésus fait appel à notre vigilance. Le croyant n’est pas un mystifié mais un éveillé. Il s’agit de sortir de la léthargie, de l’indifférence, de l’irresponsabilité parce qu’elles nous guettent.

Pour autant, la petite parabole du maître de maison qui ignore, ne connaît pas l’heure où le voleur peut venir ne nous conduit pas à barricader nos existences dans un principe de précaution à tout crin. Le moins de risques possibles, le plus d’assurances possibles. Ce serait là tout miser sur la maîtrise et le contrôle. Faut-il aller par-là ?

On ne peut, à l’écoute de cet évangile, qu’être frappé par la tension qui est mise en relief entre un non-savoir et un savoir. Oui il y a un non-savoir, une inconscience de ceux et celles qui ne se doutent de rien, qui vivent dans l’insouciance. Après nous le déluge ! Il y a aussi le non-savoir du maître qui ignore quand vient un voleur. Ainsi nos vies sont aussi pétries d’incertitudes, d’obscurités ; elles sont cernées par un non-savoir. Mais il y a une connaissance, un savoir qui nous est donné : le Fils de l’humain vient. Il est la promesse de Dieu donnée au monde. Il est monté dans l’arche avec Noé et il lance encore son appel prophétique : de leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, ils feront des faucilles. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation. On n’apprendra plus la guerre. Alors le temps de l’Avent ? Peut-être vous vous dites, comme moi parfois : mais finalement cette histoire de déluge et ce langage crypté des évangiles, en quoi cela nous concerne-t-il encore ? Qu’en avons-nous à faire ? Ce temps de l’Avent et de Noël est peut-être là pour nous maintenir ouverts à de la nouveauté. N’en avons-nous pas besoin ? Non pas une nouveauté marchande, une nouveauté à acheter mais une nouveauté qui rallume quelque chose dans l’âme et le cœur. « Il est temps de rallumer les étoiles ». Peut-être est-ce cela : que le Royaume promis nous empêche de désespérer de possibles renouveaux.

Fr. Hubert Thomas

Lectures de la messe
Is 2, 1-5
Ps 121 (122), 1-2, 3-4ab, 4cd-5, 6-7, 8-9
Rm 13, 11-14a
Mt 24, 37-44

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