L’évangile de la belle annonce de la Résurrection commence par un nouveau départ : Le « premier jour » qui peut nous rappeler l’Incipit de la Bible : « Dans un commencement, dans un principe…. » Un recommencement nous ouvre un regard remis à neuf sur le monde, alors que tout semblait plié, fermé, gâché…
Et ce recommencement est imagé par l’expression « à la pointe de l’aurore », quand la lumière commence à percer l’obscurité, à ouvrir une brèche dans les ténèbres.
Au jardin des Oliviers, le Christ avait prononcé cette phrase terrible : « Mon âme est triste à en mourir, mon être est entouré de tristesse jusqu’à ce que mort s’ensuive »
Ce « jusqu’à », Eôs en grec, signifie aussi « aurore », nous pourrions comprendre alors : « mon âme est triste jusqu’à ce que se lève l’aurore du sens de ma mort », jusqu’à ce que surgisse la force de relèvement de cette descente au plus bas.
Si cette aurore a lieu cette nuit, c’est d’abord parce que le Christ a suivi le chemin de la constance et de la fidélité, malgré tous les obstacles : l’incompréhension de ses disciples, le sentiment d’être abandonné, la violence d’une arrestation, des moqueries et des coups, la torture et la mort. Sylvie Germain exprime bien la puissance de ces petits mots : « Toujours ces prépositions, adverbes ou locutions adverbiales exprimant l’opposition, le paradoxe, la ténacité : MALGRE TOUT, MÊME SI, POURTANT, QUAND BIEN MÊME, NEANMOINS. Petits mots grammaticaux admirables de force et de grandeur tant morale que spirituelle par lesquels l’homme précipité dans le chaos du mal, l’abîme du néant, se ressaisit soudain et s’affirme être doué d’absolue liberté, de pouvoir de pensée, de capacité d’amour et de fidélité au mépris de la mort. »
Mais la naissance n’est pas qu’une affaire d’effort. Le premier jour, à la pointe de l’aurore, Dieu est un faiseur de brèche, chaque matin est un miracle, et ce matin-là apparaissent les femmes qui nous rappellent que tout commence avec elles par la mise au monde. Il faut renaître avait dit Jésus, et les aromates de l’amour nous font goûter le sens d’une vie et percevoir le tombeau non comme le sein ultime à jamais clos, mais comme le lieu où le Vivant peut entrer et sortir et se laisser trouver par ceux qui le cherchent. Alors si cette aurore se lève en cette nuit, c’est aussi parce que Dieu l’a relevé, c’est parce que Résurrection, il y a. Et qu’est-ce que la Résurrection, si ce n’est la Filiation plus forte que tout, la Filiation conduite à son sommet et son accomplissement, l’expérience que la mort ne peut éteindre cette Parole : Tu es mon fils, mon bien aimé. » Cette Parole est Vérité la plus profonde et personne ne peut mettre la main sur cette Vérité-là, même pas la mort. « Le VRAI se cache dans quelques mots chuchotés ou criés, et dans l’énigme de la beauté des visages » : le Christ est ressuscité !
Frère Renaud
Lectures : : Gn 1, 1 – 2, 2 ; Rm 6, 3b-11 ; Lc 24, 1-12