On a pu voir récemment sur KTO le témoignage d’un musulman converti à la foi chrétienne. Un mot revenait constamment sur ses lèvres : Jésus. On sentait chez lui une véritable fascination et une relation profonde avec la personne du Christ.

Comme dans tout amour, les chemins de cette relation intime sont multiples. Pour les uns, c’est un chemin tout tracé d’avance, où l’on met ses pas dans ceux des parents ou des proches. Pour d’autres, c’est un choc, une sorte de coup de foudre. Pour d’autres encore, c’est une secousse suivie d’une longue recherche – ainsi par exemple le romancier Eric-Emmanuel Schmitt découvre, dans ce qu’il nomme ‘La nuit de feu’, l’existence de Dieu ; puis il fera une longue étude des textes fondateurs des grandes religions avant d’adhérer au Christ, qu’il approche par touches successives, notamment dans son beau petit livre « L’Évangile selon Pilate ».

Pour les premiers apôtres, ce fut d’abord la réponse à un appel surprenant : des pêcheurs du lac, un receveur des impôts, un activiste révolutionnaire … Ils ont marché avec Jésus, comme cela arrivait en ce temps-là à la suite de l’un ou l’autre rabbi. Ils ont écouté son enseignement sur le Royaume des Cieux, ils ont été témoins de ses guérisons et de l’extraordinaire partage des pains, ils viennent de dépasser les frontières d’Israël dans la région de Tyr et de Sidon, et les voici maintenant tout au nord du pays, dans la montagne, près des sources du Jourdain. Un endroit favorable pour faire le point, se poser, s’interroger sur ce qu’on a vécu, une sorte de retraite … un peu comme on vient à Wavreumont.

« Que disent les gens ? » La question de Jésus n’est pas un simple sondage d’opinion ou un micro-trottoir, comme en sont friands les media. C’est une première approche de son identité. Les uns pensent à Jean-Baptiste, qui serait réincarné, d’autres à d’anciens prophètes … On trouverait le même genre de réponse aujourd’hui : Jésus maître à penser, un sage, un réformateur social, un rêveur …

Et vous, que dites-vous que je suis ?

Question directe et décisive. Elle nous est posée avec autant de force qu’aux disciples de jadis. Quand il m’arrive de rencontrer de jeunes couples pour préparer leur mariage, j’entends souvent parler de ‘valeurs chrétiennes’ auxquelles ils font référence. Très bien, j’accueille leur démarche … mais ce n’est pas encore la foi. Adhérer à des valeurs, c’est une philosophie, une manière de vivre, éventuellement une religion … mais la foi est plus que cela : c’est mettre sa confiance en Jésus et être prêt à le suivre, c’est une relation personnelle avec lui. Et cela ne s’invente pas, ça se reçoit : « Heureux es-tu, Simon : oser dire ‘tu es le Christ, le Messie tant attendu, le Fils du Dieu vivant’, ça dépasse la sagesse humaine ». C’est un don, un cadeau de Dieu…

« Qui peut connaître la pensée du Seigneur ? se demande saint Paul. C’est lui qui donne le premier ».

Voilà le fondement de la foi, et le fondement de l’Église. En parlant du Royaume des Cieux, c’est-à-dire de la proximité de Dieu et du monde nouveau qu’il instaure, l’évangile selon Matthieu en a d’abord désigné les bénéficiaires : les humbles, les artisans de paix, les miséricordieux … Puis il a utilisé toute une série de comparaisons : la semence, le sel, la lumière, etc. et aussi la maison, construite sur le roc. Ce roc, cette pierre de fondation, c’était dans un premier temps la Parole de Jésus – ici la métaphore se fait plus précise : la maison du Fils de Dieu, elle repose sur la foi proclamée par Pierre. S’il en reçoit les clés, ce n’est pas d’abord pour exercer un pouvoir, comme autrefois le gouverneur d’une ville (c’était notre première lecture) : Pierre reçoit les clés pour ouvrir les portes de la foi et de la maison des croyants, et plus tard il sera confirmé dans cette mission quand Jésus lui dira lors du dernier repas : « affermis tes frères ».

Le cœur de la foi, c’est la confiance au Dieu de la vie manifesté dans la personne de Jésus. Il est le Dieu fidèle qui n’arrête pas l’œuvre de ses mains, comme dit le psaume : ‘si haut que soit le Seigneur, il voit le plus humble et reconnaît l’orgueilleux’… Pierre l’apprendra à ses dépens quand il voudra orgueilleusement empêcher la passion du Christ : celui-ci le rabrouera durement : ‘arrière Satan !’

Aujourd’hui, contemplons le mystère de la foi que nous célébrons dans l’eucharistie, l’Agneau de Dieu qui emporte le péché du monde, l’infidélité de l’Eglise et la puissance de la mort. Face aux incertitudes et aux risques d’un avenir plein de questions, laissons-nous regarder par celui qui nous réunit : Jésus.

Abbé René Rouschop

Lectures de la messe :
Is 22, 19-23
Ps 137 (138), 1-2a, 2bc-3, 6.8bc
Rm 11, 33-36
Mt 16, 13-20

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