Le temps pascal que nous vivons est un temps de grâce où nous sommes entièrement entourés par la résurrection de Jésus. Mais c’est aussi un temps d’interrogation qui nous confronte à notre capacité d’aimer : Frère Renaud en a parlé la semaine dernière, j’espère ne pas vous décevoir, je crois que nous n’avons jamais fini de nous aimer ! S’aimer soi-même, aimer les autres, et surtout retrouver notre amour pour Dieu. Sans oublier de nous ouvrir pour recevoir l’amour de Dieu
Comme nous l’avons entendu dans le livre des Actes des Apôtres, la résurrection de Jésus est vécue différemment par chaque chrétien selon son origine. Pourtant, quel que soit notre parcours, elle nous invite à porter un regard nouveau sur le Christ et sur nous-mêmes. Oui, nous croyons que le Christ est vivant, mais nous, croyons-nous que nous sommes des vivants?
Comment vivons-nous avec notre différence, notre corps, nos sentiments, nos faiblesses, nos talents ? Ce ne sont pas des questions théoriques : chacun de nous apporte une réponse intime, peut-être provisoire, mais toujours singulière. Nous vivons chacun une solitude unique qui devient difficile à assumer lorsqu’elle se transforme en isolement. Cependant, lorsque nous pouvons exprimer cette solitude — à quelqu’un, à nous-mêmes, par l’écriture, l’art, la prière — elle devient dialogue et nous libère de la prison de l’isolement. Je crois que la résurrection de Jésus nous ouvre à la conscience de qui nous sommes et à une véritable connaissance de nous-mêmes.
La résurrection de Jésus nous offre aussi un regard nouveau sur l’autre. L’autre, qu’il soit sœur, frère, ami, époux, épouse, chrétien ou voisin, est toujours différent de nous. Nous pourrions penser qu’il serait plus facile de l’aimer si nous le connaissions mieux, si nous le comprenions davantage. À première vue, cela semble vrai. Mais ne risquerions-nous pas d’empiéter sur sa liberté en cherchant à le cerner entièrement ? Comprendre quelqu’un, c’est aussi prendre le risque de vouloir le « posséder », non ?
Rappelons-nous Marie-Madeleine, qui a dû accepter de se défaire de Jésus pour le rencontrer sous un visage qu’elle ne connaissait pas. Lorsqu’elle l’a vu en tenue de jardinier près du tombeau vide, elle ne l’a pas reconnu. Elle a dû être elle-même reconnue pour se retourner et comprendre que Jésus l’appelait.
Tout comme Marie-Madeleine a pris du temps pour se détacher du Seigneur qu’elle cherchait fébrilement après sa mort, nous devons aussi apprendre à nous détacher de l’autre pour lui appartenir d’une manière nouvelle. Souvent, ce n’est qu’au moment où une personne nous quitte que nous comprenons l’importance qu’avait sa présence à nos côtés.
Sortir de l’attachement pour vivre l’appartenance, voilà peut-être le chemin vers l’autre que nous indique la résurrection de Jésus.
Après avoir renouvelé notre regard sur nous-mêmes, puis sur l’autre, la résurrection de Jésus renouvelle enfin notre amour pour Dieu. « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure.», disait Jésus.
C’est dans la fidélité à la parole de Dieu que nous entrons dans son intimité, en le respectant. Mais c’est aussi l’occasion de laisser Dieu venir demeurer en nous. Jésus disait dans l’évangile : « Je m’en vais, mais je reviens vers vous ». Oui, Dieu nous connaît mieux que nous-mêmes et nous aide à grandir dans l’acceptation de notre fragilité, de notre pauvreté et de notre émerveillement devant sa résurrection. Parce que Dieu est ressuscité, nous croyons qu’il nous donnera la joie de découvrir enfin ce que signifient aimer et être fidèle.
Fr. Pierre Gabriel
Lectures : Ac 15, 1-2.22-29 ; Ap 21, 10-14.22-23 ; Jn 14, 23-29