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« Aie confiance, crois en moi et tu ne le regretteras pas. Tu veux rester dans la jungle, petit Mowgli, rien de plus facile… » J’aime rappeler ce passage du livre de la Jungle où Kaa séduit Mowgli, en lui faisant croire qu’il peut l’aider à rester dans la jungle, mais en lui cachant que le moyen d’y parvenir est de résider dans son estomac.

Le serpent, dans la bible, comme dans ce conte, joue le rôle du tentateur, de séducteur qui entraîne au mal et au néant. Le serpent est rusé et nu, et en introduisant le doute dans l’esprit du premier couple au sujet de la bonté de Dieu envers eux, il les rend semblable à lui:  » J’ai pris peur parce que je suis nu, et je me suis caché. » Voilà l’homme dénudé comme le serpent et caché dans les feuillages à sa ressemblance. Cela signifie qu’il est à ce moment dépouillé de toute morale et de tout bon zèle envers Dieu. Or, celui qui est ainsi dépouillé peut devenir rusé, méchant et tortueux, comme ce reptile dont la démarche est sinueuse : une fois oui, une fois non, le doute est inscrit en son être et se transforme en véritable défi envers Dieu, puisqu’il en vient à soupçonner les intentions de Dieu envers l’homme, à mettre en question sa bonté fondamentale qui est pourtant l’essence de son être.

L’homme plongé dans cet état d’esprit envers Dieu est véritablement dénudé, dépossédé de sa personnalité profonde qui est d’être partenaire de Dieu dans la confiance en son alliance. Ainsi le mal prend l’homme dans son filet en l’arrachant à son milieu de vie naturel qui est la confiance en Dieu. Les enfants d’Adam et Eve pourront faire retour à Dieu grâce à sa détermination à les sauver en leur envoyant patriarches et matriarches, juges, prophètes et rois, et jusqu’à son propre fils pour les rétablir dans leur dignité d’hommes, partenaires de Dieu. C’est dire qu’à travers ce périple, une multitude de fautes provenant du doute originel leur sera pardonnée. Mais attention, un seul péché ne verra pas la clémence de Dieu: déclarer la source du salut comme étant l’adversaire maléfique. Faire cela, c’est renverser l’ordre du réel et nier toute vérité. Notre conscience est comme la résonnance lointaine de la voix de Dieu qui nous appelle à être bons et à éviter le mal, mais seule sa Parole, son Verbe articulé et prononcé par l’incarnation du Christ peut nous apprendre le contenu du bien et du mal. Le taxer d’un attribut diabolique, c’est obstruer la porte du dialogue avec Dieu, faire barrage à toute conversion et toute sanctification. Soyons attentifs au bruissement du reptile dans nos vies quotidiennes, dans l’actualité, dans notre société : quand l’hospitalité, valeur fondamentale dans toutes les cultures et religions, risque de devenir chez nous un délit, le glissement du serpent ne s’approche-t-il pas ?

Les premières lignes de l’évangile nous évoquent subtilement le grand succès de Jésus: la foule vient à lui à tout moment et tellement nombreuse qu’on a même plus le temps de se restaurer. Les gens ne courent plus à Jérusalem trouver les spécialistes de l’Écriture; ceux-ci doivent descendre de la capitale pour observer ce phénomène. Comme le serpent convoitait Eve et a cherché à la posséder par le persiflage envers Dieu, la médisance et la calomnie: dire que Dieu est un rival, eux sont jaloux de Jésus et le qualifie de possédé de Béelzéboul. La source de vie ne peut supporter une telle pollution de la Vérité et rétorque de façon cinglante que, sur ce chemin-là, il n’y a pas de pardon. Pas de pardon, puisqu’en faisant ainsi, on exclut Dieu, on prend sa place et on sort de la relation. Le persiflage des scribes n’est autre que celui du serpent. La réaction catégorique de Jésus rétablit l’humain dans la lumière: celui qui renoue avec l’écoute de la volonté du Seigneur, et avec sa mise en pratique, rétablit l’alliance et la communion entre les hommes: non pas les liens de la renommée ou de la parenté, mais bien ceux de la filiation divine en Christ. Au sein même d’un monde blessé par les conséquences du mal, ce réseau régénéré par Dieu et dont le centre est le Christ, se développe par la foi et la parole qui en découle.  » J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé. Et nous aussi, qui avons le même esprit de foi, nous croyons, et c’est pourquoi nous parlons. »

Ainsi, même si les œuvres du serpent sont plus que jamais florissantes dans le monde, elles sont déjà ruinées, et nous avons la conviction que, par la résurrection du Christ, croît une communion qui attirera l’humanité vers sa demeure définitive qui est la Vie en Dieu. Cela est une promesse capable de réduire résistances et obstacles dans la mesure où nous ne fermons pas la bouche de Dieu, mais espérons et attendons sa parole de toute notre âme.

Fr. Renaud Thon

Lectures de la messe :
Gn 3, 9-15
Ps 129 (130), 1-2, 3-4, 5-6ab, 7bc-8
2 Co 4, 13 – 5, 1
Mc 3, 20-35

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