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Quand j’habitais à Namur, il m’arrivait d’aller prendre un repas avec mon curé, dans un petit restaurant grec tenu par un Italien. Un jour, une dame, assise seule à une autre table, assez loin de la nôtre, s’est mise à parler à haute voix. Nous avons d’abord pensé qu’elle parlait toute seule, ce qui peut arriver. Puis nous avons fini par comprendre que c’était nous qu’elle invectivait, surtout mon curé, trahi par son col romain. Elle en voulait manifestement à l’Église. « On m’a toujours dit que je recevais à la communion un pain venu du ciel, mais j’ai vu à la télévision des sœurs qui fabriquaient des hosties ! Heureusement qu’on a la télévision pour nous tirer du mensonge et de l’erreur ! » Nous ne lui avons pas demandé si elle écoutait aussi la radio, qui aurait pu lui donner encore d’autres lumières…

Si cette dame avait écouté les paroles de l’eucharistie avec autant d’attention que son téléviseur, elle aurait pu entendre, parfois, que nous bénissons Dieu pour le pain, fruit de la terre et du travail des hommes. Le pain que nous allons offrir, consacrer, partager n’est pas un pain tombé du ciel. Dans chaque eucharistie, Dieu vient à notre rencontre, vient s’unir de nouveau à notre humanité, se mêler à notre pâte, se donner à nous sous la forme d’un pain qui est bien le fruit de la terre et de l’œuvre humaine.

L’évangile de ce jour nous a dit quatre fois que Jésus est descendu du ciel. La remarque amusante que je viens de rappeler nous invite peut-être à interroger la formule. Oui, selon l’évangile, Jésus a dit qu’il était descendu du ciel. Nous l’avons cru et nous allons le redire dans notre profession de foi : « Pour nous, les hommes, et pour notre salut, il descendit du ciel. » Nous pouvons répéter cela sans nous poser trop de questions. Mais ne gagnerait-on pas à se rappeler que ce n’est qu’une image ?

L’image, c’est vrai, vient de l’évangile. Jésus dit qu’il est descendu du ciel, parce qu’il se compare à la manne que les Hébreux ont mangée dans le désert. Dieu avait pour eux ouvert les portes du ciel. C’est le psaume que nous avons chanté dimanche dernier : pour les nourrir, il fait pleuvoir la manne, il leur donne le froment du ciel. S’il se met à pleuvoir du pain, alors le pain descendra réellement du ciel, et même la télévision ne pourra pas dire le contraire. Mais Jésus ne dit pas qu’il est tombé de la dernière pluie. Jésus dit qu’il est, comme la manne, offert par Dieu, qu’il est en ce sens le vrai pain qui vient du ciel pour donner la vie au monde.

Depuis les temps anciens, les hommes ont imaginé Dieu dans les hauteurs. Ils lèvent les yeux pour se tourner vers lui. Pour éviter de prononcer le nom divin, ils appellent Dieu le Ciel. Aide-toi et le Ciel t’aidera. Mais Dieu n’est pas plus dans le ciel que sur la terre. Comme disaient les vieux catéchismes, Dieu est au ciel, sur la terre, aux champs et partout. Il n’a pas besoin de descendre pour venir jusqu’à nous. Même la prière que Jésus nous a enseignée s’adresse à notre Père qui est aux cieux sans prétendre le localiser. Il est aussi dans le ciel, mais pas plus qu’ailleurs. Dire qu’il est aux cieux, ce n’est pas le rendre inaccessible.

Jésus est le vrai pain venu du ciel, mais il est tout aussi bien l’homme né d’une femme, et à ce titre, comme notre pain, le fruit de la terre. Il est aussi proche de nous que le pain qui parfume notre table. Et en se donnant en nourriture, il nous révèle un Dieu tout proche, à notre niveau, plus proche que ne pourrait l’être aucun autre père sur la terre.

Fr. François Dehotte

Lectures de la messe :
1 R 19, 4-8
Ps 33 (34), 2-3, 4-5, 6-7, 8-9
Ep 4, 30 – 5, 2
Jn 6, 41-51

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