« Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. » Voici l’invitation que nous lance l’antienne d’ouverture de cette eucharistie. « Gaudete », en latin, terme qui en est venu à désigner le 3e dimanche de l’Avent.
Nous réjouir ? C’est bien, mais pourquoi ? De quoi ?
À Tournai, on vous répondrait aujourd’hui : de l’ordination de notre nouvel évêque ! C’est en effet, une grande joie. Mais plus profondément, partout dans le monde, même à Tournai, la vraie et unique source de joie c’est que, précise notre antienne, « le Seigneur est proche » !
L’oraison d’ouverture oriente notre regard vers Noël, première venue du Seigneur, que nous allons célébrer très bientôt. C’est bien sûr, un grand motif de joie.
« Tu le vois, Seigneur Dieu, ton peuple attend avec foi la fête de la naissance de ton Fils ; nous t’en prions, accorde-nous de parvenir au bonheur d’un tel salut, et de le célébrer solennellement avec une joie toujours nouvelle. »
Mais l’Avent n’est pas seulement préparation à Noël, il porte notre attention vers la Venue ultime du Seigneur, qu’on appelle la Parousie. Cette venue approche même si nous ne savons ni le jour ni l’heure. L’Avent nous rappelle qu’il ne s’agit pas de se bercer de mots, même poétiques, et il réveille notre attente de la Venue du Seigneur. Ainsi dès les vigiles du 1er dimanche de l’Avent la Liturgie des Heures donne ce répons : « En regardant au loin, je vois venir la puissance de Dieu et la nuée couvrant toute la terre. Allons au-devant de lui, car il vient régner sur son peuple. » L’Avent aiguise notre regard, le porte au loin. Et ce 3e dimanche nous invite à la joie car le Seigneur est proche ce que confirme saint Jacques dans sa lettre, nous invitant cependant à la patience.
Le prophète Isaïe est plein d’enthousiasme. Il exulte, invite le désert, les terres arides à se réjouir, à fleurir et à crier de joie car « on verra la gloire du Seigneur et la splendeur de notre Dieu ». Il invite à fortifier ceux qui flanchent. À ceux qui s’affolent – ce peut être nous face aux nouvelles moroses et inquiétantes qui inondent nos infos – il répond : « Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu » ! La suite peut inquiéter : « c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu ». Dieu se venge ? Quelle horreur ! Ce n’est pas chrétien !
Oui, mais écoutons la suite : « Il vient lui-même et va vous sauver ». Et le prophète annonce ce que produira cette venue de Dieu, cette prétendue « vengeance » qui n’est autre que le salut.
Mais ce n’est pas tout. Car on pourrait se dire, c’est bien beau, mais c’est une vieille histoire, un beau conte. Que nenni (si je peux ainsi m’inculturer) !
Dieu qui vient lui-même, n’est-ce pas justement ce que nous allons célébrer à Noël : l’Incarnation, Dieu qui se fait l’un de nous. Les Anges annonceront la venue du Sauveur. Voilà donc comment Dieu se venge, comment il prend sa revanche… sur le mal. Et cela ira jusqu’à la Croix.
Les signes de la venue du Seigneur énoncés par Isaïe et développés par le psaume 145 que nous avons chanté, Jésus les réalise et cela rassurera Jean le baptiste : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent…. et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle ». Jésus est bien celui que les prophètes annonçaient, le Messie, l’Envoyé. Il est Dieu qui vient lui-même ! Les promesses s’accomplissent, au-delà même de ce que les prophètes pouvaient imaginer, espérer. Il y a bien de quoi exulter, être dans la joie, une joie profonde que rien ni personne ne peut nous ravir.
Mais Jésus poursuit avec une drôle de béatitude : « Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! » (un scandale). La venue et la vie de Jésus (et ensuite sa mort et sa résurrection) oblige à prendre position : accueillir en Lui Dieu qui vient nous sauver (alors nous serons heureux) ou le refuser, le rejeter. Jésus renvoie ses auditeurs au témoignage de Jean, son messager, son précurseur… qui est en prison et sera exécuté.
C’est pour nous le temps de la deuxième venue : entre celle que nous fêterons à Noël et la Parousie, le Seigneur vient à nous. Heureux serons-nous si nous l’accueillons, si nous allons « au-devant de celui qui vient » !
sœur Annick
Lectures : Is 35, 1-6a.10 ; Jc 5, 7-10 ; Mt 11, 2-11
