Chers frères et sœurs,
En ce jour de fête, il est bon de nous rappeler que la sainteté est un appel qui nous est adressé à chacun. « Soyez saints, car moi je suis saint, dit le Seigneur. » Lévitique 20,26
Dans ce petit mot « car », on pourrait trouver le grand amour de Dieu qui nous appelle à être comme Lui, car il a fait de nous ses enfants. Quand nous recevons l’existence en Lui, nous pouvons dire avec Lui « Je suis ». Notre travail de conscientisation sera de dépasser tous les adjectifs que je puis ajouter à ce Je suis … un homme, une femme, bon, courageux, fidèle,… pour les résumer tous en ce mot : saint. Je suis saint en Lui car il me fait participer à sa Vie.
Un maître d’une spiritualité orientale a dit que si on devait perdre toutes les Ecritures sacrées du monde entier, mais garder cet unique verset de l’évangile : « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. », on pourrait en travaillant cet unique phrase arriver à la sainteté et à l’union à Dieu.
Comment est-ce possible ? D’abord le mot Heureux nous rappelle qu’être en plénitude est une quête qu’il faut commencer un jour. « Arrêtez, connaissez que Moi, Je suis Dieu. » Dit le Psaume 45 : Pour se mettre en route vers la béatitude, il faut paradoxalement s’arrêter : arrêter de s’agiter, de se disperser, de croire que nos mille désirs extérieurs vont nous rassasier, mais comprendre qu’il faut les rassembler et les concentrer en un seul point à atteindre qui est Dieu.
Entre le mot Heureux et Dieu, il y a encore tout un trajet d’ascension qui est pourtant une descente dans le cœur. Nouveau paradoxe.
Pour atteindre le cœur, il faut se rappeler le signe de la première alliance, la circoncision marquée dans la chair du sexe masculin et résumant la première étape de sainteté :ouvrir un espace pour laisser exister l’autre dans une relation d’égal à égal et renoncer à le dévorer, le dominer ou l’assimiler.
Le deuxième signe dont parle l’Apocalypse est marqué au front, comme les paroles du Deutéronome : « Ecoute, Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est Un… tu les attacheras comme un signe sur ton front… »
Remplacer ma façon naturelle de penser qui ramène tout à moi par l’Ecoute de la Parole de Dieu qui devient pour moi une lampe et un guide. Elle nous fait alors atteindre le cœur profond, appelé à être pur pour voir Dieu.
La Parole m’a ouvert le chemin ; la pureté m’ouvre les yeux sur l’évidence de la Présence de Dieu au cœur de mon Etre.
La pureté n’est pas d’abord une perfection morale, mais une transparence de la relation ; il s’agit de nettoyer et polir le miroir de son âme pour qu’y resplendisse l’image de Dieu. Avoir des intentions droites et s’engager dans une vie qui met la priorité au Seigneur
Cette pureté est présente dans tous les textes de ce jour : Ces gens ont lavé leur robe dans le sang de l’Agneau. Elles en ont trouvé la blancheur dans le don que le Christ a fait de sa vie.
Le psaume : « Qui peut gravir la montagne du Seigneur et se tenir dans son lieu saint ? L’homme au cœur pur, aux mains innocentes, qui ne livre pas son âme aux idoles. »
Et la seconde lecture met la pureté au même rang que la sainteté puisqu’elle nous rend semblable à Dieu. « … nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est. Et quiconque met en lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur. »
Et dans l’évangile, notre verset clef est, au milieu du texte, comme le sommet d’une montagne. Pour y arriver, il faut avoir reçu le portage de Dieu comme une mère porte son enfant : il donne la vie, il console, il prodigue douceur, justesse et pardon à travers nous. Alors seulement la vision de son action en nous devient claire et l’on peut encore être heureux à travers violence, persécution et calomnie. Alors la récompense est grande dans les cieux qui ne sont finalement que le cœur, jusque- là, resté invisible de la Réalité.
Pour conclure, rappelons-nous que, si la sainteté est un parcours où nous engageons tout notre être, elle est avant tout une grâce. Et dans cette perspective, avec les lunettes de saint Paul, nous pourrions dire que rien, pas même le péché, ne peut arrêter la Présence divine en nous. Et dans ce cas, notre verset des béatitudes peut être lu dans un renversement inédit : « Bienheureux ceux qui voient Dieu, car ils auront le cœur pur. »
Frère Renaud
Lectures : Ap 7, 2-4.9-14 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a
