Septante-cinq ans du monastère Saint-Remacle à Wavreumont

Jean-Pierre Delville, évêque de Liège

7092025

Chers Frères et Sœurs,

C’est une joie pour moi de célébrer avec vous les 75 ans du monastère S.-Remacle. Il y a de quoi être fier et se réjouir. Nous sommes nombreux à cette occasion. Nous sommes un peu comme ces « grandes foules qui faisaient route avec Jésus », dont parle l’évangile que nous venons d’entendre (Lc 14,25-33). L’évangéliste Luc souligne beaucoup le fait de marcher, de faire route. Tout l’évangile de Luc est présenté comme une montée de Jésus vers Jérusalem. Jésus est toujours en route. De nombreuses gens l’accompagnent : certainement par enthousiasme pour sa parole, mais aussi par volonté d’être guéris. En fait, il y a un peu d’intérêt personnel dans cet enthousiasme, un peu de superficialité, un peu d’ambition d’être dans la suite du Messie. Alors Jésus arrête la foule et lance un avertissement : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs et même sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple ». Donc Jésus invite les gens à réfléchir à la raison pour laquelle ils viennent à lui. Est-ce qu’ils sont prêts à s’engager vraiment, comme Jésus ? Ou est-ce qu’ils suivent Jésus comme on acclame une vedette ? Jésus ajoute même : « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple ».

Ces avertissements tombent bien un jour où nous sommes réunis, non pas pour nous décourager, mais pour fêter l’anniversaire d’un engagement de prière et de foi de la communauté bénédictine de Wavreumont. La vie des moines correspond à la demande de Jésus de le préférer aux membres de sa famille. Elle demande un choix radical envers Jésus. Cela comporte aussi des épreuves, cela comporte de porter sa croix avec Jésus. Cela demande un fameux discernement, c’est un fameux défi. C’est aussi un défi adressé à chacun de nous : comment Jésus au premier plan dans notre vie ?

Pour creuser cet engagement, Jésus nous invite à nous asseoir et à faire le point. Et il donne deux exemples. Il y a d’abord l’histoire de l’homme qui construit une tour. Ce promoteur immobilier commence par s’asseoir et faire ses comptes, pour voir s’il a assez d’argent pour construire ! S’il n’en a pas assez, il s’arrête, sinon on va se moquer de lui. Donc suivre Jésus, c’est comme construire une tour : il faut voir si on est capable. L’important, pour Jésus, c’est donc le fait de s’asseoir et de réfléchir à ce que l’on va faire.

Il prend aussi l’exemple d’un roi qui part en guerre avec 10 000 hommes. A-t-il assez de soldats pour combattre ? Sinon, il s’arrête et il conclut la paix. C’est une renoncer à ses ambitions pour produire la paix. Nous de même, nous devons avoir une stratégie dans la vie, avoir un projet pastoral. Mais de nouveau, l’important, c’est de s’asseoir pour réfléchir à notre engagement.

Pour suivre Jésus, il faut savoir renoncer à certaines choses. Peut-être que le promoteur immobilier va renoncer à faire une haute tour ! Peut-être que le roi va renoncer à faire la guerre ! Et peut-être que le disciple de Jésus va renoncer à se cloisonner dans sa famille pour choisir de marcher avec Jésus. Peut-être que le moine renonce à la richesse, à la vie de famille, pour créer une nouvelle famille et découvrir les richesses spirituelles. Renoncer à certaines sécurités, cela signifie accepter sa fragilité, accepter certaines souffrances, comme Jésus : « Celui qui ne porte pas sa croix et ne marche pas à ma suite, dit Jésus, ne peut pas être mon disciple ». Derrière ce renoncement et cette pauvreté, se cache une vraie force, celle que l’on tient de Jésus lui-même et pas de nos propres forces. Ainsi chacun de nous est-il invité à s’asseoir et à se dire : qu’est-ce que je choisis pour ma vie ? À quoi est-ce que j’accepte de renoncer ? À qui est-ce que j’accepte de me donner ?

Au cœur de nos pauvretés, de nos limites et de nos renoncements, le Seigneur nous appelle. Il n’attend pas que nous soyons des surhommes, des vedettes. Alors sachons renoncer à ce côté-là de nous-mêmes, reconnaissons nos limites et nos faiblesses et faisons de notre vie un chemin en compagnie de Jésus.

Dans cet esprit de marche ensemble, soyons des témoins de la foi. Créons une nouvelle famille humaine. Comme saint Remacle, qui a créé en 648 au fond de la forêt ardennaise une communauté nouvelle à Stavelot et à Malmedy, afin de prier pour toute la société. Soyons au service de l’humanité. Soyons au service de la création : nous entamons en ce mois de septembre le mois de la création, comme l’a demandé le pape François.

Prions pour la paix à Gaza, comme beaucoup le demanderont aujourd’hui dans une manifestation à Bruxelles cet après-midi. Prions pour la libération des otages juifs. Prions pour que le monde politique s’asseye comme le roi de la parabole et choisisse finalement de faire la paix. Sur cette voie de la paix et du renoncement à l’usage de la force, les moines et les moniales nous précèdent. Soyons dans l’action de grâces à l’occasion de la fête de Wavreumont.

Cet engagement nous conduit à une meilleure justice dans le monde. C’est aussi cela que saint Paul propose à son ami Philémon, dans la lettre que nous avons entendue. Il suggère que Philémon libère son esclave Onésime, qui s’était enfui et qui s’était réfugié chez saint Paul. Ainsi Philémon considérera Onésime non plus comme un esclave, mais comme un frère ! Une nouvelle famille se crée.

C’est ce que Jésus entame en créant la famille de ses disciples. Je vois qu’ici aussi, dans le monastère, une nouvelle famille se développe. Une famille au service du monde, une famille qui libère les esclaves de notre société, une famille qui donne la joie de l’amour ! C’est ce que je souhaite à votre communauté, c’est ce que je vous souhaite à tous !

Amen ! Alleluia !

Lectures : Sg 9, 13-18 ; Phm 9b-10.12-17 ; Lc 14, 25-33

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