24082025

« Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » Celui qui a posé cette question n’avait sans doute pas lu le dernier chapitre du livre d’Isaïe, où Dieu exprime son rêve, son intention : « Moi, je viens rassembler toutes les nations, de toute langue. J’enverrai des rescapés vers les nations les plus éloignées, vers les îles lointaines qui n’ont rien entendu de ma renommée, qui n’ont pas vu ma gloire. De toutes les nations, ils ramèneront tous vos frères. » C’est ce que Jésus rappelle au questionneur : « On viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu. »

Ces paroles sont rassurantes. Mais, isolées, ne risquent-elles pas de l’être un peu trop ? Il ne faudrait pas qu’elles nous poussent à nous assoupir, à nous dire que, si Dieu est bon, si sa miséricorde est infinie, il n’y a plus qu’à attendre qu’il vienne réaliser son projet… Non, il dépend de nous que son règne vienne.

C’est pourquoi Jésus, avant de redire que tous sont attendus dans le royaume de Dieu, commence par mettre ses interlocuteurs en garde : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite. » L’image peut faire songer à une porte célèbre du monastère portugais d’Alcobaça. C’est la porte qui donne accès au réfectoire, mais elle n’est large que de trente-deux centimètres. On l’appelle « pega gordo », c’est-à-dire « attrape-gros ». Je ne suis pas certain que j’y passerais encore… Beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas.

Au-delà de l’image, que signifie-t-elle, cette porte étroite ? Au minimum, que tout ne se vaut pas. Jésus met en cause ceux qui commettent l’injustice. Un hasard de calendrier fait que nous entendons ces lectures du vingt et unième dimanche le jour de la Saint-Barthélemy, le jour anniversaire du massacre qui, en 1572, a été l’événement le plus sanglant des guerres de religion. Certes, il faut se garder de juger hier avec les lumières d’aujourd’hui, mais il reste surprenant que des lecteurs de la Bible – jusqu’à nos jours – puissent commettre de tels actes sans deviner qu’ils sont en porte-à-faux avec l’intention de leur Dieu.

On a pu dire et écrire que la bonté d’un seul homme rend meilleure l’humanité tout entière. C’est vrai, et il faut oser le répéter. Mais on ne peut pas oublier que cette affirmation implique son contraire : le péché d’un seul homme ralentit toute l’humanité dans son chemin vers sa plénitude. Comme dit la deuxième lettre de saint Pierre (3,11-12), « vous voyez quels hommes vous devez être, en vivant dans la sainteté et la piété, vous qui attendez, vous qui hâtez l’avènement du jour de Dieu ». C’est trop peu de l’attendre, notre Dieu nous demande de le hâter.

Trop souvent, dans l’histoire de nos Églises et jusque dans les événements récents, des actes néfastes, des attitudes honteuses ont écarté des personnes du chemin où nous devrions les attirer, pour le bonheur de tous. Il ne s’agit pas de se laisser submerger par une mauvaise conscience qui ne servirait à rien. Nous ne sommes pas individuellement coupables des erreurs et des turpitudes des autres. Mais il nous appartient peut-être de donner en compensation, chacun à sa mesure, une autre image de l’appartenance au Christ, pour porter nos frères et nos sœurs humains, dans des vases purs, à la maison du Seigneur. Quand l’évangile nous dit que nous serons jetés dehors, il ne faut pas le prendre au pied de la lettre. Mais peut-être, tout de même, se réveiller.

Frère François

Lectures : Is 66, 18-21 ; He 12, 5-7.11-13 ; Lc 13, 22-30

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