Voilà si j’ose dire un évangile qui tombe bien, en rapport avec l’actualité de notre Eglise. Alors que les cardinaux se réunissent à Rome pour élire un nouveau pape, St Jean nous raconte le choix du tout premier, quand Jésus dit à Pierre : ‘sois le berger de mes brebis’. Mission répétée trois fois, comme pour faire écho au triple reniement de l’apôtre au moment de la condamnation du Christ. Tout être humain est imparfait et pécheur, cela n’empêche pas qu’il soit appelé au service et au don de soi.
Mais revenons au début de ce récit, quand le même Simon-Pierre dit à ses compagnons :’je m’en vais à la pêche’. Autrement dit, cette aventure avec Jésus de Nazareth était vraiment passionnante, on y a cru, on a pensé qu’il était vraiment le messie annoncé, mais maintenant c’est fini, revenons de nos illusions et de nos faux espoirs, et reprenons notre vie comme avant… Avec la mort de Jésus sur la croix, les disciples sont passés de l’enthousiasme à une terrible déception et à la peur. Cette nuit de pêche sans rien prendre est bien à l’image de ce qu’ils ressentent en eux-mêmes…
Je ne puis m’empêcher de rapprocher leur attitude de ce que vivent trop de nos contemporains : espoirs déçus, désillusion, manque d’espérance… L’actualité nous rappelle sans cesse les nombreux défis et les ratés de notre humanité, et nous sommes tentés comme les apôtres de dire ‘à quoi bon ?’ et de retourner à la barque de nos petites sécurités. Ce n’est pas par hasard que le pape François avait choisi comme thème de cette année sainte « pèlerins d’espérance »… C’est au creux de nos sentiments d’échec que le Seigneur nous appelle à lui faire confiance malgré tout. Car, comme l’écrit le théologien protestant Daniel Marguerat, « Il n’est aucun échec, pour l(homme comme pour le monde, que Dieu ne puisse surmonter ». En effet, après leur rencontre avec le Ressuscité, nous voyons que les apôtres vont témoigner de lui avec vigueur devant le grand Conseil juif et les grands prêtres, alors que quelques heurs plus tôt ils étaient enfermés dans la peur. Plus tard, sans doute à la fin du premier siècle, le livre de l’Apocalypse ne sera pas moins audacieux, malgré les persécutions, en imaginant toutes les créatures du ciel et de la terre se prosterner devant l’Agneau immolé – allusion aux rites de la Pâque et donc de la liberté retrouvée. Allusion encore aux rites de la Pâque et de notre Eucharistie quand Jésus prend le pain et le donne à ses disciples…
Ainsi, face aux questionnements et aux déceptions qui peuvent nous ébranler, l’eucharistie est pour nous le rendez-vous précieux – oserais-je dire indispensable – pour nourrir notre foi et notre espérance. Nous y rencontrons d’abord d’autres disciples de Jésus, peut-être aussi hésitants ou découragés dans leurs problèmes de vie. Nous y rencontrons la parole du Seigneur qui nous interroge, nous réconforte, nous invite au partage : les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ?… Il prend le pain de sa vie livrée pour nous et pour la multitude, et il nous le donne. Il nous renouvelle ainsi dans son amour et nous dit à chacune et à chacun : suis-moi…
‘De nos cendres froides, conclut Patrice Eubelen dans la revue ‘Feu Nouveau’, le souffle de l’Esprit peut faire jaillir un feu de braise’. Nous aussi, comme Pierre et les autres, remotivés par la présence du Ressuscité, nous sommes appelés à le suivre, dans l’amour et dans l’espérance.
Abbé René Rouchop
Lectures: Ac 5, 27b-32.40b-41 ; Ap 5, 11-14 ; Jn 21, 1-19