Lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse au dedans de moi. Par ces mots, Elisabeth manifestait l’expérience originale qu’elle vécu par l’intermédiaire de son fils en train de grandir en elle.
Ce sont en effet les paroles de salutation de Marie qui firent tressaillir l’enfant dans le sein d’Elisabeth. Remarquez que Marie parle peu dans l’évangile, mais ses rares paroles ont des conséquences spritituelles fondatrices. Élisabeth était très sensible et réceptive à la visite de Marie, ces deux femmes enceintes vibraient du même évènement de l’attente d’un enfant.
Le tressaillement de celui qu’on nommera Jean-Baptiste, dans le sein d’Elisabeth, exprime le renversement d’Alliance que Jésus est en train d’inaugurer dans l’histoire sainte. De la première Alliance conclue avec Abraham et tous les croyants à sa suite, on passe avec Jean-Baptiste qui nous indique Jésus, à la seconde Alliance que Dieu inaugure par son Fils. Et Jean-Baptiste dont Elisabeth est enceinte, sera en quelque sorte le dernier des prophètes de la première alliance. Il annoncera la venue de Jésus non seulement par ses paroles comme nous l’avons entendu les dimanches précédents, mais il annonce déjà aujourd’hui le Fils de Dieu par tout son corps en train de se former dans le sein d’ Elisabeth, sa mère. Et son tressaillement rejoint le tressaillement que nous vivons ou que nous avons vécu lorsque Dieu s’est fait plus proche de nous. Ces rencontres, ces conversions, ces visitations, ont chaque fois été originales et ont donné à notre vie une orientation toute nouvelle. Combien de fois ne nous sommes-nous pas retournés par la surprise d’une visitation dans notre vie ?
Elisabeth a été secouée dans son corps par son fils qui était lui-même concerné directement par la rencontre d’un événement sacré. Remarquez que Jean n’est pas le seul à avoir tressailli de joie sous l’action de l’Esprit Saint. Plus tard, l’évangile de Luc nous relatera que Jésus tressaillit de joie à son tour sous l’action de l’Esprit Saint avant de dire : »je te bénis Père d’avoir caché cela aux sages et aux savants et de l’avoir révélé aux tout petits. » Oui, les tout-petits sont privilégiés pour nous indiquer le mieux le Christ, à leur manière.
Mais je crois que cet événement de la rencontre de Marie et d’Elisabeth nous enseigne aussi à écouter tout ce que l’Esprit fait remuer en nous. Seule une femme enceinte a la sensibilité ultra développée de tous ses sens pour ressentir tout ce que l’enfant vit à l’intérieur d’elle. Sans doute sera-t-elle aussi plus sensible, voire susceptible, pour tout ce qui se vit autour d’elle…
Ainsi, l’âme d’enfant qui sommeille en chacun peut se réveiller à des moments forts de notre existence et nous faire prendre conscience d’un tressaillement fondateur…ou initial.
Souvent, quand on se rappelle les expériences originelles qui ont éveillé notre foi, on découvre que Jésus nous a parlé quand nous étions tout petits. Certes, nous n’étions pas encore très conscients à l’époque où l’événement se déroulait, mais il ne faudra pas longtemps ni beaucoup de thérapie pour nous rendre compte que l’Esprit Saint aura emprunté aussi ce chemin-là pour nous rejoindre. Il n’est d’ailleurs pas rare que des vocations à la vie religieuse aient pris sens dès la petite enfance.
L’épisode de la visitation est l’occasion de nous aider à reconnaître toutes les manifestations de l’Esprit dans notre vie. Nous découvrons par cet événement que la foi est en germe en nous et qu’une rencontre peut faire tressaillir le Christ qui est en train de grandir en notre sein. Nous n’attendons pas seulement Jésus devant nous, mais nous contemplons sa venue en nous.
Noël est aussi l’avènement de la naissance de Jésus qui se sert de notre corps pour renaître dans le monde. On dit volontiers que là où il y a de la violence, c’est Jésus qui est en train d’être une nouvelle fois mis à mort, alors chaque fois qu’il y a une naissance, n’est-ce pas aussi Jésus qui est en train de renaître? Aujourd’hui les deux femmes enceintes nous partagent la joie de l’attente, la joie de la foi dont nous sentons, sans les voir, les fruits prendre corps en nous.
Quand Jean-Baptiste a tressailli dans le sein de sa mère, c’était sans doute sa manière d’exprimer tout simplement sa joie devant la divinité de Jésus ! Rappelons-nous David qui dansait devant l’Arche d’Alliance, cette Arche était pour David ce qu’était le sein de Marie pour Jean-Baptiste. Marie est bien l’Arche de la nouvelle Alliance. Et l’alliance ne cesse de se renouveler si nous acceptons de nous ouvrir et laisser la foi naître en nous.
Je terminerais en reprenant la conclusion du frère Bernard qui commentait l’Évangile de jeudi dernier ; il soulignait la différence entre le doute de Zacharie et Elizabeth d’avoir un enfant et la foi de Marie ; et il concluait en disant : puisse l’Esprit Saint rencontrer en chacune et chacun d’entre nous, non la résignation ou le scepticisme de Zacharie, mais la foi sans réserve de Marie pour qu’Il puisse réaliser son œuvre de vie et de fécondité.
Fr. Pierre Gabriel
Lectures: Mi 5, 1-4a ; He 10, 5-10 ; Lc 1, 39-45