En cette nuit sainte, frères et sœurs, tous nous sommes sensibles à l’atmosphère de joie et de lumière qui émane de la fête de Noël. Tous, y compris ceux qui ne se sentent guère concernés par l’histoire de l’enfant de Bethléem. Tous nous voulons, d’une manière ou d’une autre participer et partager la joie de cette nuit avec ses illuminations, ses échanges de souhaits et de cadeaux. C’est la réponse à l’annonce des anges : « Je vous annonce une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple ». C’est une joyeuse nouvelle pour tous. C’est un évènement universel ce qui est arrivé. Cet enfant est né pour tous. Non seulement pour quelques privilégiés, pour les chrétiens, mais pour tout le monde.
Dieu doit être heureux si tous nous nous réjouissions en cette nuit. Mais malheureusement beaucoup ont oublié la véritable signification de Noël. C’est bien pourquoi le bœuf et l’âne ont toute leur place dans la crèche. Ils sont là en souvenir des reproches que le prophète Isaïe adressait aux habitants de Jérusalem parce qu’ils oubliaient de rendre grâce à Dieu : « Un bœuf et un âne connaissent leur maître mais Israël ne me connait pas et ne m’écoute pas. Vous m’avez abandonné et oublié, alors que les animaux comme le bœuf et l’âne reconnaissent toujours celui qui les nourrit et ils continuent à servir leur maitre avec fidélité
Aujourd’hui beaucoup ont oublié le sens profond de Noël, ont oublié Celui qui est venu apporter au monde la paix et le véritable sens de l’existence. Aussi la présence de ces deux animaux sympathiques dans la crèche est importante. L’âne avec ses grandes oreilles nous invite à écouter la Bonne Nouvelle qui nous apporte la lumière, le bœuf nous invite à ruminer la Parole qui nous communique la vie. Tous les personnages de la crèche sont importants parce qu’ils nous enseignent comment accueillir Jésus : les bergers, les anges, les mages, et bien sûr Joseph et Marie.
Les circonstances de la Nativité sont elles aussi riches d’enseignement. A Bethléem Jésus est venu si discrètement que rien n’était préparé pour le recevoir, à peine une étable ou une grotte, on ne sait pas trop. N’est-ce pas une manière d’annoncer d’emblée son désir d’être accueilli dans chaque demeure, même la plus humble ?
Bethléem, vous le savez, signifie « maison du pain ». C’est un détail qui n’est pas sans importance. Dès le début, il attire notre attention : ce petit enfant, c’est celui qui dira un jour en prenant du pain : « Ceci est mon corps livré pour vous ». A Noël, on reçoit un enfant qui, par tout son être vulnérable, offert sans défense, nous fait comprendre qu’il se livre entièrement à nous. En ayant soin de préciser qu’il a été déposé dans une mangeoire, l’évangéliste nous le désigne déjà comme celui qui est notre nourriture véritable, celui qui va dire aux hommes les paroles qui communiquent la vie.
Il nous révèle ainsi que le sens de l’existence c’est de se donner soi-même. Il vaut la peine de s’en souvenir quand nous oublions d’être présents les uns aux autres et de nous offrir gratuitement du temps, notre bien le plus précieux. La joie de Noël n’est pas proportionnelle à l’abondance des cadeaux, elle dépend de la qualité de la relation qui se tisse entre les êtres.
La nativité du Seigneur s’est passée sur fond de trouble et de répression, obligeant Marie et Joseph à un déplacement périlleux pour satisfaire aux obligations d’un recensement décrété par l’occupant romain. Le jeune couple n’a pas hésité à se mettre en route, trouvant là une nouvelle occasion de mettre sa sécurité dans une totale confiance en Dieu. Il y a là un message pour ceux et celles qui sont touchés par la souffrance ou la solitude : la lumière peut être donnée aussi dans une situation d’épreuve, alors même que nous avançons avec peine et que l’avenir semble bien sombre. Ce qui nous est seulement demandé, c’est de faire confiance à celui qui se désigne comme l’Emmanuel, Dieu avec nous ; c’est de croire que Dieu cherche à rejoindre chacun, quels que soient sa solitude, ses échecs, son accablement devant les malheurs du monde.
Une fois encore, frères et sœurs, c’est vers Marie qu’il faut se tourner pour découvrir l’attitude juste pour vivre Noël. Alors que l’horizon est plein d’insécurité, elle s’émerveille de l’espérance que représente son enfant. Alors qu’elle est confrontée à un mystère qui la dépasse, elle est là, paisible, méditant et gardant tous ces évènements dans son cœur. Par-delà toutes les questions et les obscurités, elle invite à voir, plus profond et plus loin, les signes qui parlent de naissance. N’est-ce pas surtout de ce regard de foi et d’espérance dont nous avons besoin puisque désormais nous le savons : le Seigneur habite notre humanité, il s’est préparé une demeure au plus intime de chacun de nous.
Mais voilà : est-ce que je crois que le Christ vit et cherche à agir en moi, comme en celui qui est à mes côtés ? Est-ce que je crois fermement que je suis habité par l’Esprit de Jésus qui veut nous guider vers le Père ? Voilà le fondement sur lequel nous devons bâtir : la foi en la présence du Christ qui vit et agit en nous. Le plus beau cadeau de Noël que nous pouvons nous offrir, c’est de nous révéler mutuellement ce dont nous sommes porteurs au plus profond : cette vie divine qui cherche à naître et à s’épanouir en chacun et chacune d’entre nous.
Fr. Bernard
Lectures : Is 9, 1-6 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14