Chers amis, ce 2ème dimanche de Pâques, qui clôture l’octave pascale, porte plusieurs noms.
- Dimanche de la divine miséricorde : cette journée fut instituée par le pape Jean-Paul II le 30 avril 2000 lors de la canonisation de Faustine KOWALSKA, religieuse polonaise qui avait reçu cette révélation : « Aujourd’hui, je t’envoie vers toute l’humanité avec ma Miséricorde. Je ne veux pas punir l’humanité endolorie, mais je désire la guérir en en l’étreignant sur mon cœur miséricordieux… » (Petit journal, 1588)
- Dimanche in albis: ce jour est appelé dimanche in albis, car ce jour-là, les néophytes (adultes baptisés durant la vigile pascale, huit jours plus tôt) quittent le vêtement blanc reçu à leur baptême comme signe de l’homme nouveau et rejoignent intégralement la communauté des baptisés.
- Dimanche « Quasimodo » : on pense d’emblée au petit personnage de V. Hugo batifolant sur les toits de Notre Dame de Paris. En fait, pour le nom de cet enfant malformé, l’auteur se serait inspiré des mots d’une épître de Pierre « quasi modo geniti infantes », ce qui signifie « comme des enfants qui viennent de naître ». Ces mots sont aussi les premiers de ce dimanche et font de ce dimanche comme un nouveau jour de Paques!
Les trois lectures rendent compte chacune à sa manière de l’événement de Pâques. Les Actes témoignent de l’effet de Pâques sur les Apôtres. L’extrait de l’Apocalypse lu ce matin forme la base de tout le Livre de la Révélation. Jean raconte une vision au cours de laquelle il entend une voix lui dire : « Ne crains pas (on reconnaît ces mots présents dans toute théophanie). Moi je suis le premier et le dernier, le Vivant : j’étais mort et me voilà vivant pour les siècles des siècles ».
L’Evangile de ce jour raconte aussi une histoire de rencontre qui conduit les disciples à reconnaître Jésus VIVANT. Pour moi, ce qu’on appelle les récits d’apparition sont des mises en scène littéraires d’une expérience unique et indicible, fondatrice tant pour ceux qui l’ont vécue que pour nous qui en sommes les heureux héritiers. Quelque chose d’extra-ordinaire s’est passé dans le cœur des disciples, qui les a bouleversés, qui les a déverrouillés de toutes les peurs et les culpabilités qui devaient les tenailler après la mort de Jésus. Peur de subir le même sort que lui, culpabilité face à leur attitude pendant sa passion. Ils ne devaient pas en être trop fiers. Jean, ou sa communauté, raconte ces événements des décennies plus tard, il les met par écrit, en récit, en scène. Peu importe comment les choses se sont passées, « ça » s’est passé, le grand retournement a eu lieu. Il a fallu du temps pour réaliser ce temps nouveau de Jésus vivant après sa mort. Le temps des apparitions a duré 40 jours, durée éminemment symbolique, liturgique et non chronologique. Le temps de la maturation, de la conversion.
Le soir de Pâques, dit le récit de Jean, Jésus entre là où tout est fermé, il se place « au milieu d’eux » et leur dit : « La paix soit avec vous ! », par deux fois. Incroyable : c’est LUI, lui qu’ils avaient fui, lui qui leur offre maintenant de connaître sa paix, la paix du pardon, la paix d’un amour plus grand que leurs lâchetés. Il leur montre ses mains et son côté. Et, dit le texte, « les ils furent remplis de joie en voyant le Seigneur. » On connaît la valeur des mots chez Jean : voir, c’est regarder avec les yeux de la foi, c’est croire. Ils le reconnaissent vivant, c’est bien lui, d’où leur joie. Ils ressuscitent en quelque sorte à leur tour. Contre toute attente, cette histoire vécue avec Jésus, qu’ils croyaient finie en queue de poisson, anéantie, rebondit, chargée d’un sens et d’un souffle nouveaux.
Et ce n’est pas tout. Soufflant sur eux comme l’avait fait le souffle d’Elohim lors de la création, Jésus leur donne l’Esprit et leur confie la mission de continuer l’œuvre qu’il avait commencée, soit être témoin de l’amour incommensurable de Dieu.
Et puis, il y a Thomas, appelé Didyme, jumeau, notre jumeau, ce Thomas déjà présent au chapitre 14, qui s’était fait remarquer par sa réaction un peu impertinente. A Jésus qui disait « pour aller où je vais, vous connaissez le chemin », il répondait : « Nous ne savons pas où tu vas, comment connaîtrions-nous le chemin ?» Bienheureux Thomas qui a suffisamment confiance en Jésus pour lui parler ainsi, qui n’entend pas suivre son maître comme un mouton, mais approfondir les raisons qui le conduisent à l’accompagner. Bienheureux Thomas, chez qui le doute est un aiguillon, pour aller plus loin, plus profond.
Comme dans la scène lue ce jour. Bienheureux Thomas encore, la nouvelle de Pâques n’est pas évidente à la raison. A nouveau, Jésus ne lui tient pas rigueur pour son scepticisme, il se présente à lui, personnellement, lui offrant son corps en reconnaissance, et l’on a, en retour de cette rencontre fulgurante, cette magnifique exclamation « Mon Seigneur et mon Dieu !».
Ce qui me frappe chez Thomas comme chez les autres, ce n’est pas tant qu’ils reconnaissent Jésus à ses plaies, mais c’est le regard qu’ils portent sur elles : les blessures de Jésus sont là, traces de son supplice, mais ils les voient transfigurées, portées par la VIE. Elles disent : oui, d’une vie brisée ou de blessures profondes peut surgir une vie nouvelle et inattendue. Croyez-vous cela ?
Marie-Pierre Polis
Lectures : Ac 5, 12-16 ; ps 117, 2-4, 22-24, 25-27a ; Ap 1, 9-11a.12-13.17 ; Jn 20, 19-31