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Mais quoi, les rois mages ne sont toujours pas arrivés à Wavreumont. Que leur est-il arrivé ? Auraient-ils été rattrapés par des sbires du roi Hérode ? Seraient-ils retenus en otage par des exégètes historico-critiques et soumis à un interrogatoire musclé ? Les questions à leur sujet ne manquent pas. Et c’est toute une intrigue. Mais voilà : l’Épiphanie n’attend pas, la liturgie n’attend pas

Ces mages venus d’Orient, il leur est arrivé quelque chose. « Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus ». Ils ont vu en cette étoile un signe et l’ont interprété et cela l’est à mis en route et les a fait venir. Quelque chose arrive dans leur vie, à quoi ils ne s’attendaient pas et cela leur donne à penser et les voilà en quête de l’événement qui pourrait bien être derrière tout cela.

Le contraste est grand avec ce qui se passe chez le roi Hérode et son entourage. Il est tout bouleversé et tout Jérusalem avec lui mais cela ne déclenche aucun trajet. Au contraire, on se penche sur des textes. Que disent les Écritures sur le lieu de naissance du Christ, du Messie ? On cherche les réponses dans les livres mais ce remue-ménage n’est finalement qu’un remue-méninges. On cherche des réponses pour ne pas avoir à bouger et à découvrir ce qui pourrait bien être derrière tout cela. Au contraire, on envoie les autres se renseigner et revenez nous donner la bonne réponse.

Sortis de chez Hérode, voilà que l’étoile que les mages avaient vue à l’orient les précède et s’arrête au-dessus de l’endroit où l’enfant se trouve. C’est pour eux un nouveau signe à interpréter. Les voilà confirmés dans leur recherche ; ils ne se sont pas trompés et c’est pourquoi leur joie est grande.

Au moment de retourner chez eux, une troisième fois, les mages reçoivent un signe car ils sont avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode. A nouveau, il leur faut interpréter ce signe, lui donner sens, quelle signification, quelle orientation.

Cette triple insistance du récit sur l’interprétation et une interprétation qui donne sens et orientation n’est sans doute pas un hasard. Pour nous qui entendons aujourd’hui ces paroles, ne serait-ce pas comme une invitation à faire comme ces mages. Les événements qui arrivent dans nos vies, ces textes bibliques que nous lisons et écoutons, qu’en faisons-nous ? Nous mettent-ils en chemin ? Sinon : à quoi bon la vie et cette succession d’événements, à quoi bon tous ces textes bibliques ? Aurions-nous à voir comment l’Évangile peut être une source d’interprétation de notre vie afin qu’elle aille quelque part. C’’est dire la part d’invention et d’imagination. Il ne s’agit pas de copier le texte évangélique ou de le répéter mais de rejoindre son lieu d’embrasement pour que nos vies soient soulevées ou soient dans la lumière. « Ayez du levain en vous-même, soyez de la lumière dans ce monde », dit-il. Et c’est humblement, sans forfanterie. Pour que nos vies ne s’aplatissent pas.

Les mages retournent par un autre chemin. Avertis par un songe, ils font un détour. Ils sont capables de faire un détour, de se détourner de ce qu’ils avaient programmé, de ce qui était prévu dans leur plan de route. L’Évangile, c’est inventer des alternatives, des détours, des détournements qui nous conduisent hors des sentiers battus, des chemins déjà tracés. Pour sortir d’une impasse. Ces mages, ils sentent que ce remue-ménage provoqué par le roi Hérode ça ne leur dit rien qui vaille, c’est une impasse. Ils flairent-là le totalitarisme et la mort qui est son cortège. Il leur faut prendre un autre chemin. On sent bien alors que l’Évangile, ce n’est pas une affaire pour la tête, pour mettre en ordre ses idées, ça imagine, ça invente, ça prend une autre route… encore un autre chemin.

Dans cette page de l’évangile qui n’est pas qu’une page folklorique ajoutée au récit, on pressent mieux ce qu’est l’enjeu : non pas se changer les idées, se donner des idées plus saines, plus respectables, avec plus de valeur. Ne serait-ce pas, plus simplement pas : s’orienter dans l’existence et affronter, avancer encore dans ses contradictions et celles du monde ?

Fr. Hubert

Lectures : Is 60, 1-6 ; Ep 3, 2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12

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